Le monde de la presse est en deuil après l'assassinat brutal du journaliste camerounais Martinez Zogo. Son collègue, Charlie Amie Tchouemou, rédacteur en chef d'Amplitude FM, a confirmé la mort et l'enlèvement de Martinez Zogo. La police et le gouvernement n'ont pas répondu aux demandes de commentaires.
« Martinez Zogo, le directeur de la station de radio privée Amplitude FM, a été enlevé le mardi 17 janvier par des ravisseurs non identifiés, après avoir tenté d'échapper à ses agresseurs », a déclaré l’organisme de surveillance des médias Reporters sans frontières (RSF). Le journaliste avait récemment évoqué à l’antenne un cas de détournement de fonds présumé impliquant un média ayant des liens avec le gouvernement Joseph Dion Ngute, a déclaré RSF.
Martinez Zogo, de son véritable nom Arsène Salomon Mbani Zogo, né le 29 septembre 1972, a été retrouvé mort dimanche 22 janvier, près de la capitale Yaoundé, cinq jours après son enlèvement par des assaillants encore non identifiés. Les circonstances exactes de sa mort restent incertaines, mais il semblerait qu'il ait été visé de manière délibérée. Les forces de l'ordre ont immédiatement lancé une enquête pour retrouver les coupables et élucider les motivations derrière ce meurtre.
Émoi international
Martinez Zogo était connu pour son engagement en faveur de la liberté d'expression et pour son travail de dénonciation de la corruption et des abus de pouvoir dans son pays. Il avait récemment publié des articles sur des cas de détournement de fonds publics et de népotisme au sein de l'administration.
Sa mort a suscité un vif émoi parmi les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme, qui dénoncent l'impunité dont bénéficient souvent les auteurs de crimes contre les journalistes au Cameroun. Les organisations de défense de la liberté de la presse, ont appelé les autorités à faire toute la lumière sur cet assassinat et à traduire les coupables en justice.
La famille du journaliste endeuillée
Martinez Zogo laisse derrière lui une famille endeuillée et une communauté de journalistes choquée par cette perte tragique. Sa mort rappelle l'importance de la protection des journalistes et de la liberté d'expression, qui sont des piliers fondamentaux de toute société démocratique. Cité24 se joint à la douleur de la famille.
Le gouvernement Joseph Dion Ngute a pris des mesures pour limiter la liberté de la presse, notamment en réprimant les journalistes critiques à travers des poursuites judiciaires et des arrestations arbitraires. Les médias d'État sont largement dominants et contrôlés par le gouvernement camerounais, ce qui entrave la pluralité de l'information.
La liberté de la presse au Cameroun
La liberté de la presse au Cameroun est un sujet de préoccupation depuis de nombreuses années. Bien que la Constitution camerounaise garantisse la liberté d'expression et de la presse, ces droits sont souvent bafoués par les autorités et les journalistes sont fréquemment victimes de harcèlement, de menaces et d'agressions.
Les organisations de défense de la liberté de la presse ont dénoncé ces violations répétées des droits de la presse au Cameroun et ont appelé les autorités à respecter les engagements internationaux en matière de liberté d'expression. Il est crucial que les autorités prennent des mesures pour protéger les journalistes et garantir la liberté d'expression dans le pays, afin que la société civile puisse être informée et que les abus de pouvoir soient dénoncés.
La situation s'est encore aggravée ces dernières années, notamment en raison de la crise sécuritaire dans les régions anglophones du pays, où les journalistes sont soumis à des violences et des arrestations. Les journalistes locaux sont souvent ciblés par les forces de l'ordre et les groupes armés, et ils ont peu de protections pour exercer leur travail en toute sécurité.
Les défenseurs des droits de l'homme sont ciblés
Il est important de signaler que les menaces de morts sont récurrentes au Cameroun de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982. L'un des exemples de cet état de fait remonte au 24 mai 2022, peu après qu’Akem Kelvin Nkwain, spécialiste des droits humains au Centre pour les droits de l'homme et la démocratie en Afrique (CHRDA), a écrit sur Twitter au sujet d’un enfant tué par un engin explosif improvisé qui aurait été placé par des combattants séparatistes à Kumbo, dans le nord-ouest du Cameroun.
Le 16 juin 2022, le spécialiste a reçu des appels et des messages contenant des photos d’un policier capturé, de civils morts, de balles d’armes à feu, de membres de groupes armés, et d’une image de lui-même où il était désigné comme cible. L’un de ces messages disait, « Nous vous déclarons, toi et ta famille toute entière, comme des traîtres et des ennemis des combattants ambazoniens. Attends un peu que nous arrivions chez toi, voyons si tout cet argent te ramènera à la vie lorsque tu te feras descendre. »
Felix Agbor Nkongho, avocat spécialisé dans la défense des droits humains et fondateur du CHRDA, a lui aussi reçu des menaces de mort de la part de séparatistes armés présumés à plusieurs occasions, par téléphone et sur les réseaux sociaux, après sa participation à une conférence organisée à Toronto du 29 octobre au 1er novembre 2021 par la Coalition pour le dialogue et les négociations (CDN), une ONG basée aux États-Unis travaillant sur le conflit au Cameroun.
Des enlèvements fréquents au Cameroun
Le 22 avril 2022, quatre rapporteurs des Nations unies spécialisés dans la défense des droits humains, enquêtent sur les exécutions extrajudiciaires, le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion. Ils ont écrit au président Paul Biya et à l’avocat de Organic Farming for Gorillas (OFFGO), afin de faire état de leur préoccupation au sujet des menaces de mort adressées de manière répétée depuis 2015. OFFGO a mis en évidence des abus perpétrés par des entreprises dans la région du Nord-Ouest du Cameroun.
En mai 2021, l’avocat a reçu des menaces de mort téléphoniques, et le 6 novembre 2021, il a échappé à une tentative d’enlèvement à son domicile, à Bamenda, au Nord-Ouest du Cameroun. Il avait semble-t-il également été enlevé chez lui puis relâché deux heures plus tard, le 19 février 2019.
Dans un rapport rendu public en janvier 2021, intitulé Ultime mise en garde contre les menaces de mort reçues par les défenseurs des droits humains et contre les exécutions dont ils font l’objet, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits humains a décrit en détail les menaces proférées contre cet homme.
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En conclusion, cet assassinat rappelle combien le travail des journalistes est important pour la défense des droits de l'homme, la transparence et la lutte contre la corruption, et combien il est nécessaire de protéger les journalistes qui mettent leur vie en danger pour informer les citoyens. Il est crucial que les autorités locales enquêtent de manière efficace et rapide afin que justice soit faite pour la famille du défunt et pour la communauté journalistique.