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Cergy : l’agression d’un livreur relance la question sensible du racisme intra-communautaire

L'agresseur négrophobe de Jospeh a été interpellé ce mardi


L'agresseur, qui avait choqué les réseaux sociaux dimanche soir par ses insultes racistes et diatribes esclavagistes, a été interpellé et mis en garde à vue.

Les faits se sont déroulés dans la soirée du dimanche 30 mai devant le restaurant “Le Brasco” à Cergy (Val-d'Oise). Face à cette enseigne, un livreur afro-descendant d’Uber Eats, Joseph, a été agressé alors qu’il récupérait une commande. Pris en charge par les pompiers, Joseph présente “plusieurs plaies” et a déposé plainte. Une enquête judiciaire a également été ouverte par la police. Ceci, peu après la diffusion d’une vidéo qui montre l'agresseur proférer des insultes racistes à l’encontre du livreur, de l'autrice de la vidéo et de l'ensemble des afro-descendants subsahariens et antillais. 

"J'avais peur... Il était motivé par la rage"

Entendant des appels à l'aide, une voisine a la présence d'esprit de filmer la scène dans l'espoir de faire faire cesser le tabassage de la victime. Sollier Savina Vitalina, citoyenne afro-descendante, se fait directement menacer et agonir d'injures négrophobes par l'agresseur. En furie, celui-ci se présente comme un “Algérien” et enchaîne sur une apologie raciste de l'esclavage transsaharien. Les vidéos de Sollier deviennent virales sur les réseaux sociaux.

J’ai entendu un appel au secours [du livreur]", a expliqué le jeune femme aux médias français. "C’était le cri de quelqu’un qui avait peur. J’ouvre la fenêtre et je vois une personne qui en frappe une autre en le traitant de 'sale noir, d’esclave'. Il disait : va chez toi, je vais niquer ta mère”. La jeune femme se fait ensuite copieusement insultée lorsqu’elle défie l’agresseur d'enlever sa capuche pour qu'il cesse de dissimuler son visage. Le forcené obtempère, assume et lui lance : “Pendant 800 ans, on vous a vendus comme du bétail, comme du maïs”...

Lundi soir, sur le plateau de “Touche Pas à Mon Poste” (C8) , Sollier a détaillé son témoignage : “J’avais peur. Je me posais la question : est-ce que tu fermes ta fenêtre et tu laisses l’autre comme ça ou tu l’ouvres? À un moment, le côté humain l’a emporté sur la peur”, a-t-elle confié malgré. La jeune femme a également déposé plainte. 

L'agresseur arrêté en moins de 48h

Les images de Sollier ont provoqué l’ouverture d’une enquête judiciaire d’initiative pour identifier l’auteur des propos racistes négrophobes. Et l'enquête n'a pas traîné ! L'auteur, âgé de 24 ans, a été interpellé, ce mardi 1 er juin, vers midi, à Paris. Il a été placé en garde à vue pour "violences aggravées et menaces de mort aggravées". D'après la police, le suspect ne travaille pas officiellement au sein du Brasco" et semble subsister de boulots intérimaires entre Paris, Herblay et Argenteuil.

Excepté Cyril Hanouna, la plupart des médias français présente cette affaire tel un simple fait divers qui aurait "affolé les réseaux sociaux" ; pour reprendre l'expression méprisante et paternaliste du quotidien français Le Parisien. C'est bien sûr tout le contraire. Si l'émoi et la colère afro-descendants sont grands, si l'affaire a marqué les esprits, c'est parce que ce type d'agression négrophobe, commise par un ou plusieurs afro-descendants maghrébins, relève conjointement de la banalité et du débat sociopolitique tabou. Le racisme intra-communautaire, entre noirs et arabes, pour le dire plus simplement, demeure un cancer structurel de la société française. Un phénomène très inquiétant qui a déjà fait plusieurs victimes mortelles et semble, comme les autres formes de racisme, se renforcer ces dernières années.

Au lendemain de la diffusion des images violentes, près de 200 personnes se sont rassemblées, lundi après-midi devant le Brasco, à l’appel des collectifs la Brigade anti-négrophobie et La Ligue défense noire africaine (LDNA). L'objectif ? Certains des propos tenus par l’agresseur pouvaient faire croire qu’il travaillait pour l’établissement. “Je travaille ici, j’habite ici. Je paye un loyer”, l’entend-on crier dans la vidéo. En colère, les manifestants ont donc exigé une réaction du gérant, Zoubir, dans une ambiance parfois très tendue. La Police a sécurisé le restaurant. Celui-ci a finalement été fermée par arrêté préfectoral ; une décision réclamée aux Autorités locales, dès lundi matin, par la LDNA.

Le restaurateur dépose aussi plainte

Sur Facebook, puis dans l'émission de Cyril Hanouna, le restaurateur du Brasco a maintenu que l’agresseur ne faisait pas partie de son personnel. Confronté sur le plateau de TPMP à des témoignages “de clients réguliers” affirmant l’inverse, le gérant Zoubir a persisté : “Cette personne que l’on voit sur les images, elle ne travaille pas dans mon restaurant, elle n’y a jamais travaillé. (...) Toutes les vidéos de mon restaurant pendant 15 jours vont être données à la police pour vérifier l'identité des toute les personnes. "C'est triste pour Madame, c'est triste pour le livreur, mais c'est triste pour moi aussi : je n'y suis absolument pour rien”. Le restaurateur a annoncé avoir également déposer plainte.

Au final, trois plaintes ont été déposées. Le présumé agresseur négrophobe a vite été interpellé. Et La préfecture a pris un arrêté de fermeture administrative du Brasco pour sept jours afin d'assurer « l’ordre et la tranquillité publique ». Rideaux ? Rien n'est moins sûr. Puisque le problème de fond, à savoir le racisme intra-communautaire risque, à nouveau, de ne pas être politiquement abordé suite à ce nouveau "fait divers".


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