Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement Réformateur (MR), s'est livré à une déclaration choquante et controversée lors de son passage sur Radio Judaïca. Face aux critiques de l'attaque israélienne visant les membres présumés du Hezbollah, qualifiée de "terroriste" par la ministre fédérale Petra De Sutter (Groen) et le député européen PTB Marc Botenga, Bouchez a pris une position radicalement opposée, la qualifiant de "coup de génie". Un propos qui soulève de graves questions quant au respect du droit international dans ce type d'opérations militaires.
"Je trouve que cette attaque, au contraire, est plutôt un coup de génie", a déclaré George-Louis Bouchez, n'hésitant pas à applaudir une méthode qui viole les principes les plus élémentaires du droit international humanitaire. Le président du MR justifie l'attaque en évoquant la possession de bipeurs par les cibles, considérant cela comme une preuve suffisante de leur appartenance au Hezbollah.
Or, ce genre de raisonnement unilatéral ne tient aucun compte des règles établies par les Conventions de Genève, qui interdisent les attaques indiscriminées et l’assassinat ciblé sans procès équitable. En glorifiant cette méthode, Bouchez s'écarte des fondements juridiques qui protègent les droits humains, même en temps de conflit.
Recadrage des Nations Unies
En effet, le droit international proscrit l'utilisation "d’engins piégés sous la forme d'objets portables apparemment inoffensifs, spécialement conçus et fabriqués pour contenir des matières explosives", déclarait Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies, lors d’un Conseil de sécurité du 20 septembre. "La guerre a des règles, comme dans tous les conflits", a-t-il précisé, rappelant que la force armée ne peut être justifiée que lorsqu’elle est nécessaire à un objectif militaire valide, et qu’elle doit prendre en compte la distinction fondamentale entre cibles civiles et militaires.
"Toutes les précautions doivent être prises pour épargner les populations civiles, et les personnes qui n’exercent pas de fonctions continues de combattants dans un groupe armé ne peuvent être visées que lorsqu’elles prennent part activement aux hostilités."
"Le fait de prendre pour cible simultanément des milliers de personnes, qu'il s'agisse de civils ou de membres de groupes armés, sans savoir qui était en possession des engins visés, où ils se trouvaient et qui se trouvait dans leur environnement au moment de l'attaque, constitue une violation du droit international relatif aux droits humains et, le cas échéant, du droit international humanitaire."
La qualification de "coup de génie" ne masque pas la réalité : ces opérations, loin d'être une simple affaire de "défense", constituent des actes de guerre qui, s'ils sont menés sans discernement et sans respect des cadres légaux internationaux, s'apparentent à des crimes de guerre.
Le droit international impose des restrictions claires concernant l'usage de la force, et légitimer ces frappes au prétexte de "se défendre contre des terroristes" ne peut justifier les violations de la souveraineté d'un État ou l'atteinte à la vie humaine, surtout quand des civils sont pris pour cible.
La doctrine Dahiya
Cette logique de destruction trouve un écho particulier dans la doctrine Dahiya, adoptée par l'armée israélienne à la suite de la guerre de 2006 contre le Hezbollah. Nommée d'après le quartier Dahiya de Beyrouth, bastion du Hezbollah massivement bombardé lors du conflit, cette doctrine préconise l'utilisation disproportionnée de la force contre des zones civiles en représailles aux actions de groupes armés.
L'objectif est de causer un maximum de dégâts pour dissuader tout soutien ou abri aux combattants ennemis, quitte à violer les lois internationales de protection des civils. Cette approche, qui efface la distinction entre cibles civiles et militaires, est l’incarnation même d’une stratégie qui met en danger des populations innocentes et piétine les principes fondamentaux du droit international humanitaire.
En qualifiant l’élimination de supposés membres du Hezbollah de "très bonne chose", le président du MR semble oublier que le droit à la vie ne peut être ainsi bafoué sous prétexte de sécurité nationale. En contestation de cette communication, qui fait cyniquement l’apologie de crimes de guerre, des activistes ont maculé de peinture rouge le local de campagne de la liste MR+, accompagnant leur action d’un message cinglant : "Supporting Genocide".
Le MR s'oppose à son président de parti
La ministre des Affaires étrangères, membre du même parti que Bouchez, a elle-même exprimé des réserves, rappelant que "des civils, dont des femmes et des enfants, sont à nouveau touchés". Elle a appelé à une "désescalade urgente" et souligné que seule la voie diplomatique peut mener à une résolution durable du conflit. Cette position s’aligne sur les exigences du droit international, qui promeut la protection des civils et la recherche de solutions pacifiques.
Par ailleurs, dans un communiqué de presse paru le 25 septembre, les Jeunes MR d'Evere, soutenus par les candidats aux élections communales, se sont publiquement désolidarisés du parti pris de leur président. Ces derniers ont tenu à rappeler que "ses déclarations, qui révèlent une incompréhension flagrante de la situation, ne représentent ni nos valeurs ni celles de nos concitoyens à Evere". Ils appellent à "l'arrêt immédiat du génocide en cours à Gaza et préviennent du danger d'un autre drame humanitaire au Liban si cette violence se poursuit".
Pour rappel, les premières frappes massives israéliennes au Liban avaient fait 558 morts et plus de 1 800 blessés, selon les autorités libanaises, le bilan le plus lourd en une journée depuis la fin de la guerre civile dans le pays (1975-1990).
L'éloge de l'usage indiscriminé de la force menace la stabilité internationale et met en péril des décennies de construction de normes visant à limiter les horreurs de la guerre. Bouchez semble avoir fait le choix d’ignorer ces enjeux, faisant passer la force avant la justice, la guerre avant la paix. Mais ce genre de discours met non seulement en danger les victimes de ces conflits, mais aussi la crédibilité de ceux qui prétendent défendre les valeurs de l’État de droit.
Qu'en pense UNIA ?
Les déclarations de George-Louis Bouchez soulèvent des préoccupations quant à l'apologie de crimes de guerre et de violences. En qualifiant ces actions de "coup de génie", Bouchez semble ignorer les implications éthiques et juridiques de telles affirmations, qui peuvent être interprétées comme une glorification des actes militaires, même lorsqu'ils compromettent la vie civile.
À ce titre, la directive 2017/541 impose aux États membres de l'Union européenne de criminaliser la provocation publique à commettre des infractions terroristes, incluant la glorification du terrorisme. Cette directive s'inscrit dans un cadre législatif plus large qui vise à combattre toutes les formes d'apologie de la violence, comme en témoignent d'autres textes législatifs, tels que l'article 16 de la loi du 30 juillet 1981 sur le racisme et la xénophobie et les articles de la loi du 10 mai 2007 sur la discrimination.
Cependant, le silence apparent d'UNIA, institution belge de lutte contre la discrimination et en faveur de l'égalité, face à des déclarations de cette nature pose question. Étant donné son mandat de veiller à la promotion de l'égalité et à la lutte contre toutes les formes de discrimination, il est légitime de s'étonner de l'absence de réaction prompte et proactive de l'institution dans cette affaire. L'apologie de crimes de guerre est pénalement répréhensible et devrait être traitée par le législateur avec la fermeté requise, conformément aux normes juridiques en vigueur.