Les figurines "starter pack" font fureur sur les réseaux sociaux. Mais pour créer ces avatars, les utilisateurs partagent des informations sensibles. Derrière l’effet de mode, cette tendance soulève des inquiétudes sur la protection de la vie privée et la marchandisation des individus.
Les starter pack ressemblent à des jouets dans des boîtes. Pour créer votre version, une IA vous demande des données : photo, loisirs, goûts, style vestimentaire. Il ne s'agit pas seulement d’un jeu. L’application collecte en réalité un ensemble d’informations très personnelles.
Image, description physique, personnalité… chaque élément partagé nourrit un profil très complet. C’est une forme de profilage volontaire. L’illusion d’un contenu ludique masque une réalité : ces données ont de la valeur et sont potentiellement utilisées à des fins commerciales.
Ce qui frappe, c’est l’absence de vigilance. Beaucoup fournissent leurs informations sans lire les conditions. Ils n’ont aucune garantie sur l’usage qui sera fait de ces données. L’expérience est gratuite, mais elle a un coût caché : la vie privée.
Quand tout est gratuit, c’est vous le produit
L’absence de paiement ne signifie pas absence de valeur. Ici, l'utilisateur donne de son image, de sa personnalité. Ces données peuvent alimenter des modèles d’intelligence artificielle, ou enrichir des bases commerciales. Ce processus reste opaque.
Les utilisateurs pensent que l'avatar les reflète. En réalité, l’IA choisit les critères de représentation. La personnalisation devient une standardisation. Derrière l’image flatteuse, on trouve des logiques techniques invisibles mais bien présentes.
Ce phénomène s’inscrit dans une tendance plus large. On banalise la divulgation d’informations privées au nom du divertissement. Ce type de trend devient un outil pour collecter des données, parfois à l’insu des utilisateurs.
Des journalistes qui encouragent la tendance
Plus inquiétant encore, plusieurs journalistes issus de médias traditionnels ont relayé cette pratique. Ils montrent à leurs abonnés comment générer leur propre avatar, sans jamais interroger les implications éthiques ni le traitement des données personnelles.
Que des professionnels de l’information, censés alerter sur ces dérives, participent à cette normalisation pose de vraies questions. En relayant cette tendance comme une simple curiosité numérique, ils valident, voire banalisent, une logique intrusive et commerciale.
Sur Facebook, la tendance a pris une tournure sinistre. Certains ont créé des figurines représentant le petit Grégory ou Émile. Deux enfants assassinés. Deux tragédies humaines encore empreintes de douleur. Voir leurs noms et leurs visages détournés pour alimenter un mème prétendument humoristique glace le sang. Sous ces publications, des réactions de rires, de cœurs, de likes. Sérieusement ? Peut-on vraiment rire de tout ? Ce niveau de désinvolture, voire d’indécence, questionne profondément notre rapport à la mémoire, au respect et à l’humanité.
À quel prix acceptons-nous d’être mis en boîte ?
Ce phénomène relevé une inquiétude plus large : où est l’État dans tout cela ? Alors que l’intelligence artificielle avance à grande vitesse, les garde-fous législatifs tardent à suivre. Aucune régulation claire ne protège les citoyens contre ces applications qui aspirent leurs données personnelles sous couvert de divertissement.
L’absence de cadre juridique spécifique laisse la voie libre à des entreprises privées, souvent opaques, qui exploitent nos informations sans transparence ni consentement éclairé. Dans une société numérique, ce vide réglementaire interroge. Comment accepter que l’on puisse être fiché, analysé, représenté et marchandisé sans le moindre contrôle démocratique ?
Les figurines "starter pack" sont amusantes, mais elles posent une vraie question. Sommes-nous en train de normaliser la mise en scène de notre intimité ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour quelques likes ? La popularité de cette tendance ne devrait-elle pas nous alerter sur notre rapport à la vie privée dans une société de plus en plus connectée ?