Emprisonnée, fouillée et cible d'injures racistes, Pretty Yende n'oubliera pas son arrestation à Roissy-Charles de Gaulle. La star sud-africaine a conscience qu'elle a vécu ce que des milliers de femmes et d'hommes noirs endurent chaque année, quand ils et elles n'y perdent pas la vie...
L'artiste sud-africaine Pretty Yende, premier rôle de l'opéra La Somnanbule à l'affiche au Théâtre des Champs-Elysées, a raconté sur Instagram sa détention, survenue le lundi 21 juin, par la police aux frontières de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Une terrible expérience qui l'a laissée "traumatisée et en état de choc".
Dans sa publication, la célèbre soprano écrit avoir été arrêtée à son arrivée à la frontière française, en provenance de Milan. "J'ai été déshabillée et fouillée comme une criminelle et mise en cellule de rétention au niveau des douanes du terminal 2B". Toutes ses affaires lui sont confisquées dont son téléphone portable. "Il faisait froid là-dedans, il n'y avait pas de lumière au début, froid et gris, et ils m’ont laissé seule dans cette cellule, avec un téléphone fixe et un morceau de papier qu’ils m’ont donné pour écrire les numéros de téléphone de ceux que je pouvais appeler. La plupart de ces policiers ont refusé de me parler en anglais : il y avait en plus de 10 que je pouvais entendre parler et rire dans le couloir", poursuit la jeune femme de 36 ans.
Brutalités négrophobes ordinaires
La chanteuse lyrique accuse les forces de l'ordre françaises de racisme et établit un lien avec les victimes de violences policières. "La brutalité policière est une réalité pour quelqu'un qui me ressemble", rappelle Pretty Yende. "J’ai toujours suivi les nouvelles sur ce sujet et la plupart de mes frères et sœurs finissent par être torturés ; certains cas mortels font les gros titres et des cadavres apparaissent soudainement dans des histoires maquillées".
Contactée par France info après les faits, la soprano a précisé ses propos, ce mercredi : "[Les policiers] n'ont pas été brutaux physiquement mais ils ont fait des commentaires racistes. Et tout ce calvaire a été très désagréable et effrayant." Revenue de Milan avec "un nouveau permis de séjour", l'artiste a vu son document officiel être considéré non-conforme par la police française pour entrer sur le territoire français.
Au bout de plusieurs heures, Pretty Yende a pu appelé son manager avec la ligne fixe de sa cellule. Celui-ci a joint le directeur général du Théâtre des Champs-Elysées. Et, soudainement, l'affaire s'est résolue entre franco-blancs... "Ils ont pu trouver une solution pour me sortir de là. Je leur en suis très reconnaissante", écrit la Soprano.
Nébuleuses "explications" policières
Sans surprise, la police aux frontières a contesté la version de Pretty Yende au micro de France Info. Pour l'Institution, censée "servir et protéger", la chanteuse aurait "présenté son passeport sud-africain sur lequel elle n'avait pas de visa lui permettant de rentrer en France". Et les pandores de mentionner "un document italien qui ne lui permettait pas non plus de rentrer en France."
La police procède alors à "une fouille" via "un personnel féminin". "On ne lui a pas demandé de se déshabiller", contestent les forces de l'ordre. "C'était une palpation qui permettait de vérifier qu'elle n'avait pas d'objet dangereux sur elle." La chanteuse a ensuite été placée "dans une salle de maintien" munie d'un téléphone fixe. En l'absence de "risque sécuritaire ou migratoire", Pretty Yende a finalement reçu un visa de régularisation. Elle a pu reprendre ses affaires et quitter les lieux "deux heures après son premier contrôle", affirment les forces de l'ordre. Néanmoins, la police aux frontières a refusé de commenter les accusations de brutalité et de racisme dénoncées par la chanteuse lyrique.
Pour sa part, Pretty Yende, elle, remercie "la chance" : "Je suis une des personnes très très chanceuses d'être encore en vie pour voir la lumière du jour, malgré les mauvais traitements, la discrimination raciale scandaleuse, la torture psychologique et des commentaires racistes très injurieux dans une France à laquelle j'ai tant ouvert mon cœur [...] Je suis encore ébranlée de penser que je suis une sur un million qui a réussi à sortir de cette situation en vie grâce un appel téléphonique auquel j’ai pensé, alors que j’étais en état de choc et traumatisée, que je ne pouvais pas croire ce qui m’arrivait.".