Après plusieurs tentatives de porter plainte au commissariat central de Charleroi puis de Châtelet, ce jeudi 21 septembre, la maman de Mathis a enfin pu déposer plainte et être entendue en tant que victime. Mathis sera lui entendu ultérieurement et dans un autre cadre.
La constitution de partie civile avec dépôt de plainte via un commissariat est malheureusement l’étape indispensable pour engager une procédure judiciaire. Et c’est souvent à cette étape là que les victimes, lorsqu’elles sont noirs, arabes ou roms font face à de multiples entraves racistes dans l’effectivité de leur droit.
La négrophobie n’est pas un spectre abstrait en suspension transcendantale. Elle agit dans et à chaque étape du processus judiciaire par des procédures multiples de déshumanisation, de criminalisation, d’attrition et d’affaiblissement des droits. Certains se souviendront de l’affaire de Naithy Nelson, un jeune afro-belge poignardé par un chauffeur de bus De Lijn dans la banlieue de Bruxelles le 1er février 2017.
Les policiers qui avaient été envoyés sur place n’avaient pas arrêté le suspect. La famille du jeune homme avait tenté de porter plainte, mais s’était vu refuser ce droit pendant une semaine et demie. Ce n’était alors qu'après une manifestation organisée par différentes associations afrodescendantes et un dépaysement de l’introduction de la plainte hors de l’arrondissement judiciaire (au commissariat de Ixelles) que la plainte de Naithy Nelson avait enfin pu être introduite.
Les policiers ne veulent pas prendre une plainte contre leurs collègues
Pour le cas de Mathis et de sa maman, les policiers de Châtelet ont clairement répété qu’ils ne voulaient pas enregistrer une plainte contre leurs collègues et que l’unique cadre dans lequel Mathis et sa maman pourrait être entendu est celui de la poursuite contre Mathis pour « indiscipline » et « mise en danger » mise à l’information à la suite du pv rédigé par la police lors de l’intervention à la demande de l’école spécialisée de Nalinnes le 5 septembre. En se substituant ainsi au procureur du roi, la police de Charleroi entrave le droit de Mathis et de sa maman à pouvoir se constituer comme victime. Il s’agit ici clairement d’une solidarité mal placée entre collègues, qui au nom d’un « esprit de corps » refusent d'appliquer un droit fondamental des justiciables, celui de déposer une plainte.
On sent aussi clairement dans ce dossier l’influence négative du PS par l’intermédiaire de Caroline Désir et de Julien Nicaise de façon à éteindre toutes poursuites contre WBE. Que ce soit en renvoyant la responsabilité vers la ministre de l’Intérieur mais aussi en renforçant l’impunité de la direction de l’école et du PO. Cette attitude fait également le jeu du MR qui est à la fois dans le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles avec le PS mais aussi directement responsable de l’intervention de police en tant que membre du collège de police de la zone. Cette attitude politicienne joue un rôle extrêmement dommageable dans le dénouement possible de cette affaire. Pour l’heure c’est Mathis et sa maman qui en font les frais.
Une lutte sans trêve
Il aura donc fallu se battre pied à pied avec les avocats, par l’intermédiaire d’une prise de contact avec le procureur du roi et un rendez-vous pris avec un policier spécialisé en discriminations pour que la plainte puisse enfin être enregistrée et pour qu’une information judiciaire soit ouverte de façon à constituer Mathis et sa maman comme victime de brutalités policière et scolaire ainsi que de discrimination, de diffamation et de négrophobie. Nous rappelons que si la plainte de la maman de Mathis a pu enfin être déposée aujourd’hui c’est grâce à un dispositif spécial, qui malheureusement n'est pas accessible à tous les citoyens.
La maman de Mathis est une guerrière qui est fortement et efficacement soutenue mais les entraves subies dans l’effectivité des droits à se constituer partie civile et personne lésée sont clairement inscrites dans la négrophobie endémique en Belgique. Il est plus que temps de mettre en place une procédure de dépôt de plainte moins arbitraire sur laquelle la police n’a plus de prise, avec dépaysement automatique et un personnel compétent
et formé à percevoir la négrophobie et ses effets. Ce que l’affaire Mathis en tant qu’affaire d’Etat révèle c’est bien la négrophobie quotidienne et son régime d’impunité. C’est alors pied à pied et en renforcement les actes juridiques et institutionnels des victimes qu’il s’agit de se battre.
Pour soutenir ce combat juridique qui vient de commencer, le Comité de soutien à Mathis a ouvert une cagnotte solidaire.