Dans une vidéo diffusée le 7 juin, La Brigade Anti-Négrophobie (BAN) s'est livrée à un acte civique avec le gérant innocent du restaurant "Le Brasco".

Voilà une vidéo qui devrait beaucoup moins intéresser les médias mainstream français que les néfastes conséquences déclenchées par l'agression négrophobe perpétrée, il y a une semaine, à Cergy. Son auteur, Mourad, 24 ans, a été appréhendé et reste maintenu en détention.

Agression et insultes négrophobes

Pour rappel, les faits se sont déroulés dans la soirée du 30 mai devant le restaurant “Le Brasco” à Cergy (Val-d’Oise). Face à cette enseigne, un livreur afro-descendant d’Uber Eats, Joseph, est agressé par un individu alors non identifié. Pris en charge par les pompiers, Joseph présente “plusieurs plaies” et a déposé plainte. Une enquête judiciaire est ouverte, peu après la diffusion d’une vidéo qui montre l’agresseur proférer des insultes racistes à l’encontre le livreur, de l’autrice de la vidéo et de l’ensemble des afro-descendants, subsahariens et antillais.

On s'en souvient, les vidéos de Sollier Savina Vitalina sont rapidement devenue virales. On y voit le fameux Mourad - désormais surnommé "le négrophobe de Cergy" - proférer un tombereau d'insultes racistes et sexistes envers celle qui le filme. En furie, le jeune homme se présente comme un “Algérien” et enchaîne sur une apologie raciste de l’esclavage transsaharien. En mois de 48 heures, il sera retrouvé et arrêté par la police.

Le Brasco mis sous forte pression

Au lendemain de la diffusion des images violentes, près de 200 personnes s'étaient rassemblées devant Le Brasco, à l’appel des collectifs la Brigade Anti-Négrophobie (BAN) et la Ligue de Défense Noire Africaine (LDNA). L’objectif ? Certains propos tenus par l’agresseur pouvaient faire croire que celui-ci travaillait pour le restaurant. “Je travaille ici, j’habite ici. Je paye un loyer”, l’entend-on crier dans la vidéo. En colère, les manifestants exigeaient une réaction du gérant, Zoubir. Interpellations et accusations de protection ont fusé dans une ambiance parfois très tendue. La Police a dû protégé l'entrée de l'établissement. Celui-ci a ensuite été fermé pour une semaine par arrêté préfectoral.

Mais, depuis sa fermeture forcée, Zoubir et sa famille ont régulièrement été harcelés par des passants ou des internautes, toujours persuadés que Mourad serait un employé du gérant. Malgré les dénégations fermes et répétées de ce dernier, sur les réseaux sociaux et dans l'émission de Cyril Hanouna TPMP : rien n'y a fait. Pour certains, Zoubir serait coupable de non intervention lors des faits et de mentir sur son lien professionnel avec l'agresseur raciste. Raison pour laquelle, La BAN a décidé de réaliser une vidéo afin de rétablir la vérité et lancer un appel au calme envers ceux qui nourriraient encore une hostilité contre le gérant du Brasco.

Ne pas causer de l'injustice

"On est là dans une ambiance bon enfant pour vous dire qu'il n'a strictement rien à voir, nous en avons les preuves, et qu'on ne peut pas faire payer un innocent à la place d'un coupable ; d'autant que le coupable a été retrouvé", a d'abord déclaré Franco Lollia, le porte-parole de la BAN. Avant d'ajouter : "On trouve anormal, injuste, qu'une personne qui n'a rien à voir paye pour quelqu'un qui a commis de telles exactions [...] Donc, essayons, d'une part, qu'il retrouve la sérénité et, d'autre part, que les gens ne se focalisent plus sur ce restaurant car Zoubir a collaboré pour que les choses aillent dans le sens de la justice et pas de l'injustice" "

Assis à ses côtés, le gérant du Brasco enchaîne : "Je comprends toutes les personnes qui ont été offusquées par les paroles nauséabondes de cette personne [Mourad]. Comme je comprends totalement que les gens soient venus devant mon restaurant, qu'il y ait eu cet acharnement comme ça, parce qu'une haine si violente... c'est normal qu'on ait besoin de poser des questions, de comprendre ce qui s'est passé. Je n'en veux à personne, même à ceux qui m'ont agressé et violenté, même à ceux qui ont eu des mots déplacés envers ma famille. Maintenant, ça a été loin cette affaire ! Cela a été loin pour moi, celui qui se retrouve là, au mauvais endroit au mauvais moment, et qui n'a rien à voir dans l'histoire. Et après cet acharnement médiatique et tout ce qui s'ensuit m'est tombé dessus. Du jour au lendemain, ma vie a basculé."

Mais défendre une cause juste

"C'est clair, mais tout doute est écarté !", réitère Franco. "Le gérant du Brasco de Cergy n'a rien à voir avec le négrophobe de Cergy [Mourad]. Mais la pression sur son restaurant a été infernale... Or, les luttes que nous menons visent à défendre une cause juste [l'anti-négrophobie]. Dès lors, on ne peut pas causer de l'injustice, même indirectement, et empêcher Zoubir d'ouvrir son restaurant, de le priver de son gagne-pain, de ce qui lui permet de faire vivre sa famille. J'espère que chacun de nous comprendra cela.", a conclu solennellement Franco Lollia.

Une mise au point comme un appel qui se devaient d'être faits. En images, en plus. Un geste civique qui grandit la BAN et rend justice à la grande patience du gérant Zoubir.