Le suicide de Julie continue de bouleverser le pays. Mercredi soir, à Gand, une centaine de personnes ont rendu hommage à la jeune fille dont le Premier ministre. Ce jeudi, à la Chambre, Alexander De Croo a été bombardé de questions par des parlementaires exigeant davantage de répression contre les auteurs de violences faites aux femmes.

Le 15 mai dernier, Julie, une adolescente de 14 ans, a été violée par cinq jeunes dans le cimetière de Wester à Mariakerke. Durant le déroulé du crime, les agresseurs n'ont pas hésité à prendre des photos et les ont partagées sur les réseaux sociaux. Quatre jours plus tard, Julie se donnait la mort... Après analyse des images ayant circulé, la police a identifié cinq suspects : trois mineurs, âgés de 14 à 15 ans, et deux majeurs, de 18 et 19 ans. Ceux-ci ont rapidement appréhendés dans le cadre de l'enquête judiciaire . 

"Le gang de la place Van Beveren"

L’âge de trois des agresseurs présumés reste très interpellant. Comment, au milieu de l'adolescence peut-on se livrer à pareille barbarie ? "Comment de tels jeunes peuvent-ils commettre des crimes aussi odieux ? Comme vous, nous voulons que ces bourreaux soient punis.", s'est exclamée Laurence Zanchetta (PS), ce jeudi après-midi, au Parlement fédéral. Elle ne sera pas la seule a exprimer sa totale indignation. A l'image de sa collègue néerlandophone Karin Jiroflée (Vooruit) : "En général, un auteur frappe sept fois avant qu'une plainte ne soit déposée. Comment un enfant violé peut-il encore se sentir en sécurité? Trop souvent, la victime se sent co-responsable."

Pour rappel, le groupe de suspects était connu dans leur quartier. Ils s'étaient surnommés “le gang de Van Beverenplein”. Du nom de la place Van Beveren, située un peu hors du centre-ville de Gand. Un lieu réputé dangereux et devenu, depuis plusieurs années, le théâtre de violences et de trafics de la petite délinquance. L’année passée, la police y avait aussi dressé de nombreux procès-verbaux pour utilisation de fumigènes, de feux d’artifice et non-respect du couvre-feu sanitaire. Sur les réseaux sociaux, le “gang” diffusait régulièrement des vidéos d’eux-mêmes en train de jouer aux caïds. Omniprésents sur Snapchat, Tiktok et Instagram, les ados et leur chefs adultes postaient systématiquement l’abréviation “vbp”, en référence à la place où ils traînaient.

Piégée sur les réseaux sociaux

Habitant avec sa mère à Gand, Julie est entrée en contact avec l’un des suspects via les réseaux sociaux. Ils se sont échangés plusieurs messages avant de se donner rendez-vous au cimetière de Wester à Mariakerke. Le lieu du traquenard. C'est là que les suspects ont piégé la jeune fille. 

La police a arrêté les cinq agresseurs présumés. Les majeurs ont été placés sous mandat d’arrêt pour "viol, attentat à la pudeur et prise et diffusion de photos susceptibles de constituer une atteinte à l’intégrité d’une personne". Hier, la Chambre du conseil de Gand a prolongé d’un mois leur détention.

Quant aux trois autres agresseurs présumés, mineurs, le juge de la jeunesse en a placé un dans le centre fermé pour jeunes "De Grubbe" à Everberg. Il devrait y rester au moins un mois. Les deux autres ados ont intégré une institution judiciaire pour mineurs à Wingene.

Des parlementaires horrifié.e.s

Interpellée par une dizaine de parlementaires indigné.e.s et horiffié.e.s, le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD). et le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD) ont dit comprendre l'émoi de leurs collègues. Chacun à leur tour, ils ont promis de s'attaquer résolument au fléau des féminicides et des violences faites aux femmes. Une autre "pandémie", estime le Premier Ministre.

"Chacune de vos intervention démontre à quel point nous sommes touchés, profondément, personnellement, par la fréquence de ces cas", a répondu Alexander De Croo. "J'étais présent lors de l'hommage à Gand en tant que père de deux fils, de la même catégorie d'âge. Une femme sur trois sera confrontée, au cours de sa vie, à de la violence sexuelle. Une victime sur quatre sont des mineures. Ce sont des chiffres hallucinants. Je suis convaincu que c'est une pandémie que nous pourrons combattre ensemble."

Pour sa part, Vincent Van Quickenborne a promis "un centre d'accueil des victimes" dans "chaque province" du pays. "Après, il faut augmenter le nombre des poursuites. Là aussi, notre gouvernement a pris des mesures et un projet-pilote est en cours à Anvers", a enchaîné le ministre de la Justice. Promettant une adaptation du code pénal, Van Quickenborne a annoncé le durcissement des sanctions à l'encontre des auteurs de viol. "Nous avons voulu un code modernisé. Le 2 avril, le Conseil des ministres a prévu des sanctions qui seront doublées. Il est prévu vingt-huit ans d'emprisonnement. S'il n'y a pas de consentement : il y a viol !"

Le ministre a ensuite renvoyé la balle dans le camp des parlementaires : "Nous avons reçu l'avis du conseil d'Etat, cette semaine, et il serait bon que le parlement adopte ce texte avant l'été [...] Trop souvent, par le passé, nous avons abandonné les victimes à leur sort, conclut Vincent Van Quickenborne. Avec ce plan, nous voulons faire en sorte qu'elles soient mieux protégées."

La diffusion des images de violences devrait aussi être plus durement sanctionnée, a promis le ministre. Des pourparlers et négociations ont eu lieu avec Facebook et Google pour adapter la technologie afin d'éviter que telles images ne soient diffusées...

"Féminicides : pas une de plus" ? Ce jeudi après-midi, à la Chambre des représentant.e.s, on pouvait croire que la classe politique, tous partis confondus, était enfin résolue à concrétiser ce slogan féministe. Et pour demain ? Let us see.