À partir du 1er novembre 2024, la France réintroduira des contrôles temporaires à ses frontières avec six pays européens. Cette mesure, motivée par des "préoccupations sécuritaires", soulève des questions sur l'avenir de l'espace Schengen et la libre circulation au sein de l'Union européenne.

La réintroduction des contrôles aux frontières par la France marque un tournant inattendu. Le pays, berceau de l’espace Schengen, restaure ses barrières avec six pays voisins, dont la Belgique et l’Allemagne.

Officiellement, il s’agit de répondre aux "préoccupations croissantes en matière de sécurité" face à la montée de la migration irrégulière et aux réseaux criminels. Mais derrière cette justification, se cache une réalité plus complexe, où la peur et la perception de menaces dominent la politique.

Dans de nombreux pays européens, l'influence des partis populistes de droite, des partis nationalistes de droite et des partis d'extrême droite ne cesse de croître. Les élections européennes ont vu le Parlement européen s'ancrer encore un peu plus à droite, ce qui explique ce retour vers le passé.

Le retour des frontières : une sécurité à quel prix ?

Selon le gouvernement français, ces contrôles visent principalement à prévenir les risques liés au "terrorisme" et à "l’immigration irrégulière". Les autorités pointent du doigt les "activités terroristes de haut niveau" ainsi que la recrudescence de réseaux criminels facilitant la contrebande.

Le dispositif de contrôle anti-migrants Médusa le long de la Manche et de la mer du Nord, notamment à Dunkerque et Calais, ont exacerbé la situation, avec des tensions accrues entre forces de l’ordre et migrants.

Cependant, cette mesure "sécuritaire", qui cible directement les migrants, semble ignorer une dimension humaine essentielle. Les violences évoquées sont souvent le résultat de conditions de vie précaires et de la désespérance qui pousse des réfugiés à traverser des frontières à tout prix.

Un schéma européen ?

La France n’est pas la seule à céder aux sirènes de la fermeture. L'Allemagne, dès le 16 septembre 2024, a établie une voie similaire en renforçant ses propres contrôles aux frontières avec la Belgique, le Luxembourg et la France, en réponse à "l’immigration irrégulière et au trafic d’êtres humains". L’accueil des réfugiés ukrainiens a également pesé lourdement sur la capacité d'accueil du pays, accentuant les tensions.

Si ces actions peuvent sembler coordonnées, elles révèlent surtout une Europe fracturée, où chaque État membre tente de protéger ses propres intérêts, quitte à ébranler les fondations mêmes de l’Union européenne : la liberté de circulation.

Schengen en danger ?

Ces mesures temporaires, qui doivent s’achever en avril 2025, remettent en cause l’essence même de l’espace Schengen, conçu pour faciliter la libre circulation des personnes et des biens. Aujourd’hui, huit pays européens ont réintroduit des contrôles aux frontières. Ce retour en arrière n’est pas sans conséquences sur l’économie et sur la perception des réfugiés, souvent diabolisés dans le discours public.

L’Europe, autrefois unie par des valeurs d’ouverture, semble aujourd’hui se refermer sur elle-même. La peur de l’autre prend le pas sur l’esprit de solidarité qui a pourtant défini l’UE pendant des décennies.

Derrière la rhétorique sécuritaire, on peut se demander si ces mesures ne cachent pas une tentative plus large de contrôle des flux migratoires. La Commission européenne a exigé que ces contrôles soient "proportionnés et limités au temps minimum nécessaire", mais qu’en sera-t-il réellement ? L’histoire récente a montré que ces dispositifs, annoncés comme temporaires, ont souvent tendance à se pérenniser.

Vers une Europe divisée ?

Alors que la France et l’Allemagne justifient ces mesures par des "menaces permanentes", la question se pose : la sécurité doit-elle primer sur la liberté de circulation ?

Ces contrôles démesurés, risquent d’alimenter encore davantage la méfiance à l’égard des migrants, alimentant les tensions. L'Europe peut-elle continuer à se construire sur des frontières, ou doit-elle au contraire chercher des solutions plus inclusives et durables pour répondre à ces défis ?