Les ultra-riches belges concentrent une part considérable de la richesse nationale, tandis que les inégalités patrimoniales restent criantes. Comment la Belgique se positionne-t-elle dans ce contexte face à l’Europe et au reste du monde ?
Selon une étude conjointe de la Banque nationale de Belgique (BNB) et de la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE), les 10 % des Belges les plus riches détiennent 55 % du patrimoine national. En revanche, les 50 % les moins fortunés ne possèdent que 8,4 % de ce patrimoine.
Ce constat repose sur l’analyse du patrimoine net des ménages, englobant les biens immobiliers, les placements financiers, les dépôts bancaires et autres actifs. Contrairement à des études basées uniquement sur les revenus, celle-ci met en lumière des écarts encore plus marqués.
Les milliardaires belges : une élite en expansion
La Belgique compte désormais 10 milliardaires, selon le classement Forbes, marquant une hausse notable grâce à l’arrivée de six nouveaux membres. Ces fortunes, bâties dans des secteurs variés – automobile, logistique, technologie – représentent des réussites individuelles, mais participent aussi à une concentration croissante de la richesse.
Parmi eux, Eric Wittouck, avec ses 8,5 milliards d’euros, est le Belge le plus riche et occupe la 298ᵉ position mondiale avec une fortune évaluée à plus de 8,5 milliards d’euros, qui provient en grande partie de la vente de l’entreprise sucrière à la fin des années 1980. Depuis, il se consacre essentiellement à divers investissements, tout en restant discret vis-à-vis du grand public. Il vit actuellement à Monaco, d’où il supervise ses activités financières..
D’autres figures, comme Nicolas et Catheline D’Ieteren détiennent notamment 50% de Belron, la société mère de Carglass ou Fernand Huts, l'entrepreneur et collectionneur d'art et patron de Katoen Natie Group SA, se distinguent parmi les plus riches du pays. Ce dernier occupe la troisième place avec une fortune estimée à plus de 3,4 milliards d’euros. En juin 2016, il avait suscité la controverse en déclarant que « la femme moderne brise l’esprit d’entreprise ».
Les ultra-riches : un rôle central dans la concentration des richesses
Le World Wealth Report 2023 souligne que la Belgique compte environ 500 ultra-riches, définis comme détenant un patrimoine d’au moins 30 millions de dollars. Ces individus concentrent 11 % de la richesse des millionnaires belges.
En termes de fortune totale, les particuliers fortunés belges possédaient 351,8 milliards de dollars en 2023, soit une légère baisse de 0,3 % par rapport à 2022. Cette tendance contraste avec l’augmentation mondiale du nombre de millionnaires, qui a atteint un record de 22,8 millions en 2023, pour une fortune cumulée de 86 800 milliards de dollars.
Une comparaison européenne et mondiale
Si la concentration de la richesse est notable en Belgique, elle reste inférieure à celle observée dans des pays comme les États-Unis, où 813 milliardaires détiennent une part considérable de l’économie. La Chine et l’Inde suivent, avec respectivement 473 et un nombre croissant de milliardaires.
Au niveau européen, la Belgique se distingue par son inégalité patrimoniale élevée, mais reste modeste en termes de milliardaires comparée à des pays comme l’Allemagne ou la France.
La taxation des ultra-riches : une solution pour réduire les inégalités ?
À Bruxelles, une minorité de propriétaires détient l’essentiel du parc immobilier, souvent entre deux et cinq biens, générant des revenus via les loyers. Cette situation enrichit les propriétaires, souvent non-résidents de Bruxelles, tandis que les locataires, représentant 60 % de la population, s’appauvrissent en raison de loyers augmentant bien plus rapidement que les revenus (+20 % depuis 2004). Paradoxalement, Bruxelles combine les loyers les plus élevés de Belgique avec des revenus parmi les plus bas, un tiers de la population vivant sous le seuil de pauvreté.
Seulement 6 % des logements sont sociaux, malgré des listes d'attente croissantes. Les propriétaires, qui profitent d’un système fiscal avantageux avec un impôt sur le patrimoine particulièrement faible (0,17 %), voient leurs richesses s’accumuler. Cette inégalité fait de la Belgique l’un des pays les plus inégalitaires de l’OCDE en termes de patrimoine.
Le PTB propose une taxe progressive sur les grandes fortunes (2 % au-delà de 5 millions d'euros), mais cette mesure est critiquée pour son caractère symbolique. Des économistes comme Thomas Piketty appellent à une refonte fiscale globale, mettant en avant l’urgence d’une redistribution plus équitable. En Belgique, où les 50 % les plus pauvres détiennent moins de 5 % du patrimoine, une fiscalité réellement proportionnelle et égalitaire est jugée nécessaire pour réduire ces inégalités.
Face à ces déséquilibres, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme fiscale en Belgique. Le Parti Socialiste (PS),quant à lui, propose l’instauration d’un impôt européen sur les grandes fortunes afin de financer la transition climatique et sociale qui profiterais à tous selon eux. Cependant, cette approche divise : si certains y voient un moyen de répondre aux besoins sociaux et environnementaux, la droite elle, craint une fuite des capitaux et une perte d’attractivité pour les investisseurs étrangers.
Un concentré de richesse entre quelques mains
En Belgique, la richesse est concentrée entre les mains d'une petite élite, dominée par des familles et des individus qui dirigent des secteurs clés comme l’automobile, la logistique et la technologie. Ces fortunes belges, issues principalement de l'héritage familial et d'investissements stratégiques, dominent le paysage économique du pays. Alors que certains secteurs connaissent une forte croissance, l'écart entre les plus riches et les autres reste abyssal.
À l’heure où les inégalités patrimoniales atteignent des sommets, une question demeure : la Belgique osera-t-elle réformer son système fiscal pour réduire ce déséquilibre, ou privilégiera-t-elle la compétitivité au détriment de la justice sociale ?