La chambre du conseil de Hasselt a décidé jeudi de renvoyer 18 membres du cercle étudiant Reuzegom devant le Tribunal correctionnel d'Anvers à la suite des tortures et traitements dégradants qui ont mené à la mort du jeune afro-descendant Sanda Dia.

Sauf décision contraire de la juridiction d'appel (la Chambre des mises en accusation), les 18 étudiants, impliqués dans le baptême fatal à Sanda Dia, seront poursuivis pour "homicide involontaire, administration volontaire de substances nuisibles ayant entraîné la mort, traitement dégradant et négligence coupable." S'ils sont reconnus coupables lors de l'éventuel procès en Correctionnel, ceux-ci risquent jusqu’à 15 ans de prison.

Torturé jusqu'à ce que mort s'en suive

Pour rappel, le 5 décembre 2018, le club estudiantin Reuzegom a organisé une épreuve de baptême à laquelle a participé Sanda Dia, étudiant âgé de 20 ans, originaire d’Edegem (province d’Anvers) et d'origine sénégalaise. L’activité a débuté à Louvain et s’est poursuivie dans un chalet à Vorselaar (province d’Anvers). Le jeune afro-descendant y a été contraint de boire d'énormes quantités d’alcool et de l’huile de poisson. Il a aussi été maintenu plusieurs heures dans un trou rempli d’eau glacée. Tombé inconscient l'étudiant sera conduit très tardivement à l'hôpital où il sera diagnostiqué souffrant d’hypothermie et ayant plusieurs organes endommagés.

Il n'y survivra pas. Sanda Dia est décédé de ses blessures internes le 7 décembre 2018.

Depuis, c'est à un pas de sénateur octogénaire que l'enquête s'est déroulée. Pour enfin, quasiment trois ans après les faits, voir la Chambre du Conseil renvoyer 18 personnes - impliquées dans ce baptême mortel et raciste - devant le Tribunal correctionnel d'Anvers. Le prévenus sont membres du cercle étudiant Reuzegom.

Idéologie raciste et suprémaciste

Fondé en 1946, Reuzegom est un club élitiste à la réputation scabreuse et nauséabonde. Un club, connu dans la région d'Anvers, pour ses bizutages (baptêmes) extrêmes et sa culture de la violence. Mais également pour son idéologie raciste et suprémaciste. Les étudiants qui intègrent Reuzegom sont majoritairement originaires issus des quartiers bourgeois d’Anvers. Des jeunes belgo-blancs dont les parents sont magistrats, chefs d’entreprise ou encore politiciens. L'un des facteurs qui explique, plus que probablement, la lenteur avec laquelle s'est effectue l'instruction judiciaire en cours depuis deux ans et demi...

Métis, Sanda Dia était le second étudiant afro-descendant à être accepté au sein du cercle Reuzegom. Mais pas par tous ses membres ! Selon l'enquête judiciaire, pendant que le jeune homme agonisait dans un trou rempli d’eau glacée, il entendait ses bourreaux crier : "Coupons-leur les mains, le Congo est à nous !". Ou ce slogan colonialiste et raciste que scande, notamment, le groupe nationaliste flamand Schild en Vrienden.

En finir avec cette lenteur suspecte

Les 18 étudiants incriminés ont jusqu'au 20 août pour interjeter appel de la décision prise, hier, par la chambre du conseil d'Hasselt. Un recours que l'avocat du père de Sanda Dia, Sven Mary, s'attend à voir utiliser : ""Ils vont attendre jusqu’au 20 août, le dernier jour, pour interjeter appel. Ils auront ainsi encore gagné 15 jours de temps. Et puis ils vont espérer qu’il faudra encore des mois avant que l’appel soit examiné."

Pour autant, Me Mary estime que c'en est terminé avec la lenteur suspecte qui caractérise "l'affaire Sanda Dia". "Je pense que cela ira vite maintenant et que l’affaire pourra être introduite en octobre ou novembre devant le Tribunal correctionnel, afin que le procès puisse débuter au début de l’année prochaine", a déclaré l'avocat à l'agence Belga. "Nous sommes presque à 11 mois, jour pour jour, après la date à laquelle l’affaire aurait dû être portée devant la justice. C’est la faute de la défense. Alors que les avocats déclarent espérer que leurs clients seront vite reconnus innocents., ils devraient aussi, logiquement, vouloir que le procès commence rapidement ?"