Submergée par les critiques, la Croix-Rouge s'est défendue ce mardi en diffusant le montant total des dons reçus et ventilés. Sur les 30 millions d'euros de dons récoltés, 1 million et demi a été dépensé au bénéfice des sinistrés wallons. Insuffisant et mal coordonné pour beaucoup...

C'est donc quelque 30 millions d'euros qui ont été récoltés, via le compte commun de la Croix-Rouge flamande (Rode Kruis-Vlaanderen) et de la Croix-Rouge de Belgique francophone, pour aider les victimes des terribles inondations wallonnes. Ce mardi, La Croix-Rouge a déclaré à l'agence Belga, que, sur ce montant de plusieurs dizaines de millions d'euros, environ 1,5 million a été dépensé au bénéfice des sinistrés. Ce qui semble insuffisant et trop lent au regard de nombre de bénévoles et sinistrés sur le terrain, de Pepinster à Verviers en passant par Couvin-Viroinval.

Où vont aller les 28 millions et demi d'euros récoltés ?

Face à la critique de dysfonctionnement logistiques à répitition ou celle de "thésauriser" des millions d'euros pour des objectifs peu clairs voire opaques, les communicants de La Croix-Rouge ont détaillé leurs actions mises en place dans 14 zones sinistrées. Voici six d'entre-elles :

  1. Des opérations de secours (plus de 30 postes avancés, avec 800 bénévoles) et de premiers soins à la population.
  2. Aide psychosociale (une vingtaine de postes déployés)
  3. Aide alimentaire (7.000 repas distribués par jour, 5 euros par repas)
  4. Trois centres d'hébergement d'urgence (environ 350 personnes hébergées)
  5. la distribution de plus de 10.000 couvertures et lits de camp, de produits d'hygiène et de nettoyage
  6. Tournées mobiles de plus de 15 véhicules fournissant aide alimentaire, produits d'hygiène et informations dans plusieurs communes (Angleur, Chênée, Trooz, Verviers, Chaudfontaine, Aywaille, Theux, Spa et Esneux)

"Tout l'argent récolté sera dédié à apporter des solutions"

Parallèlement à ce listing, les deux directeurs de la Croix-Rouge tentent de calmer les inquiétudes, de plus en plus vives, plus de 15 jours après la catastrophe climatique. "L'intégralité des ressources financières et matérielles reçues par la Croix-Rouge seront dédiées à apporter des solutions directes et efficaces aux besoins des personnes sinistrées les plus vulnérables, à court, moyen et long terme", assurent Pierre Hublet et Philippe Vandekerckhove, respectivement administrateurs délégués de la Croix-Rouge de Belgique francophone et de la Rode Kruis Vlaanderen.

La Croix-Rouge a également indiqué qu'aujourd'hui, "la phase d'urgence aiguë s'achève et que les besoins les plus importants à court, moyen et long terme se concentrent sur quatre axes : les besoins primaires, l'aide médico-sanitaire et psychosocial, l'hébergement et la mobilité.

Dysfonctionnements côté francophone

Face aux accusations dont l'ONG a fait l'objet concernant le manque d'assistance dans certaines communes (Pépinster, Verviers, etc.), Philippe VandeKerckhove dédouane son administration et pointe, en filigrane, une coordination "tardive" chez ses collègues francophones. "La Croix Rouge flamande a fait tout son possible pour apporter une aide maximale aux personnes dans le besoin, mais la coordination est assurée par la Croix-Rouge de Belgique qui n'a peut-être pas pris conscience de l'ampleur de l'événement assez vite", estime le patron de la Rode Kruis Vlaanderen.

Appelant à relativiser les critiques, Vandekerckhove promet aussi une analyse interne pour améliorer la prise en charge après une telle catastrophe. "Cela ne sert à rien de tirer les uns sur les autres maintenant. Il faut aider les personnes dans le besoin. Et ensuite examiner comment fonctionnent les structures actuelles pour pouvoir améliorer la communication et le système. Pour la première fois, nous avons constaté à quel point les citoyens souhaitaient apporter leur aide en pareille situation. Il est important qu'à l'avenir nous communiquions mieux avec eux pour éviter toute frustration".

Critiques persistantes à Pépinster

Mais à Pepinster, depuis plusieurs jours, les efforts de la Croix-Rouge pour porter secours semblent inefficaces et sont régulièrement critiqués, selon la télévision flamande VTM Nieuws. Habitants et bénévoles sur le terrain sont insatisfaits de la façon dont l’ONG humanitaire travaille. Celle-ci a été critiquée soit pour être aux abonnés absents là ou on l'attend soit, lorsqu'elle débarque, pour appliquer un contrôle brouillon des opérations allant jusqu'à créer chaos et mécontentements...

Ces rations d’urgence ... Laissez-moi vous montrer un sac. C’est pénible...”, soupire Sofie, de l’organisation humanitaire Belgium Aid. Elle ouvre un sac en papier dans lequel la Croix-Rouge a mis 2 sandwichs et un pot de quelque chose ressemblant à du pudding. “Maintenant, je vais vous montrer ce qui est jeté”, explique-t-elle au micro de VTM. Elle montre alors une pile entière de repas dans des boîtes. “Ce sont des aliments qui ont été sortis de la chambre froide ce matin et qui étaient bons jusqu’à hier. Ça ne se dégrade pas en un jour. Les gens n’aimeraient rien de plus que de manger ça. Je trouve dommage que la Croix-Rouge prenne tout en charge ici. On se sent soudain exclu et on doit tout laisser tomber".

Bénévoles également mécontents

Plusieurs bénévoles de la Croix-Rouge sont aussi critiques à l’égard de l’organisation. Quarante d’entre eux travaillent aujourd’hui dans la zone touchée. Ce lundi matin, ils étaient présents à 08h00 dans la salle de sport de la municipalité, mais aucun responsable de la Croix-Rouge n’était là pour coordonner. Et lorsque l'ONG débarque, ce n'est pas mieux : “Les personnes qui nous aident ici au niveau local méritent tous les éloges”, estime Martine Bellon, une bénévole, “mais voilà que la Croix-Rouge débarque et prend tout en charge. En fait, ça déstabilise tout le système des gens d’ici. Je trouve cela frustrant et honteux.

Idem pour de nombreux habitants sinistrés de Pepinster. “C’est inacceptable”, estime Loïc Hankart. “Nous avons reçu l’aide de nos volontaires, Pierre et Iggy. C’est eux que nous voulons et pas la Croix-Rouge ou les autres.”

De son côté, la Croix-Rouge avait promis une explication officielle à la journaliste de VTM Nieuws, Hannelore Simoens, mais rien n'est venu. “Nous leur avons téléphoné et ils admettent qu’il y a de sérieux problèmes avec leur coordination, que cela continue à mal être organisé mais que ce n’est pas évident sur le terrain”, a témoigné la journaliste flamande.

Des dysfonctionnements qui en rappellent un autre...

Ce dysfonctionnement de communication avec VTM nous rappelle celui de la porte-parole de la Croix-Rouge concernant l'agression physique d'un journaliste de Cité24 par une bénévole de l'ONG. A l'époque, la porte-parole francophone, Nancy Ferroni, a déclaré que la Croix-Rouge ne "cautionne, de la part de ses salariés ou bénévoles, aucun comportement violent, non conformes aux valeurs de bienveillance et de coopération que nous défendons." Et d'ajouter : "des sanctions seront prises à l'égard de la secouriste qui fait montre d'un tel comportement".

Selon nos infos, un mois après les faits, la bénévole en question n'a toujours pas été "sanctionnée"... Quant au "droit à l'image" abusivement brandi par celle-ci, l'employé communal de Jette, et pour lequel la Croix-Rouge a "déploré le manque de respect des personnes qui manifestent clairement leur volonté de ne pas être filmées", la rédaction de Cité24 ne peut que réitérer ses arguments légaux, déjà avancés par notre webmédia à l'époque.

A savoir : l'autorisation de filmer est considérée comme implicite lorsque les images des personnes concernées s'inscrivent "dans un contexte de couverture d'événements relevant de l'actualité". Ce qui était exactement le contexte dans lequel le journaliste de Cité24 a commencé à faire son travail. Soit couvrir un évènement de la vie publique (le nouveau "Vaccibus" installé à Jette) et chercher à interviewer et filmer le ou les responsables et acteurs concernés dans ce même contexte d'actualité.