Trois semaines après le déluge qui a ravagé la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la Rhénanie-Palatinat, la justice allemande a ouvert une enquête contre les Autorités locales pour "homicide par négligence". Au dernier bilan, l'Allemagne comptabilise 190 morts. Soit presque cinq fois plus qu'en Belgique francophone.

La justice allemande a ouvert, ce vendredi 6 août, une enquête pour "homicide par négligence" contre le chef de l'arrondissement d'Ahrweiler, gravement frappé par les inondations meurtrières de mi-juillet.

La justice reproche au chef de l'arrondissement, Jürgen Pföhler, membre du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel, de ne pas avoir pris - en amont des fortes précipitations et crues dramatiques - les mesures nécessaires pour prévenir les populations. Une autre personne de l'équipe en charge des crises locales, encore non-identifiée à ce stade, est également visée.

Douze morts noyés qui auraient pu être prévenus

"Le coupable est avant tout la nature, le destin. Il ne faut pas l'oublier, mais en même temps, il est possible qu'ici un comportement humain relevant du droit pénal ait contribué à la mort et aux blessures de ces personnes", a estimé le procureur de Coblence, Harald Kruse, rapportent les agences de presse AFP et Belga.

Suite aux différentes alertes météorologiques émises, les Autorités locales auraient dû s'occuper de "l'évacuation des habitants de la vallée de l'Ahr qui n'étaient pas encore touchés par l'onde de crue". "Cette opération - selon les premiers soupçons - n'a manifestement pas été réalisée avec la clarté requise ou n'a été réalisée qu'avec retard, d'une manière qui pourrait être accusée de négligence", souligne le parquet.

La justice s'appuie sur la mort de 12 personnes dans un centre de loisirs pour handicapés. Celles-ci ont été tuées "par l'eau qui a traversé le bâtiment avec une force considérable, arrachant les pièces tellement la pression était forte", a indiqué le procureur Kruse. "Au moins pour ces personnes, on peut supposer qu'elles auraient pu être sauvées s'il y avait eu un avertissement plus clair des dangers ou s'il y avait eu un ordre d'évacuation clair à un stade plus précoce".

Pour autant, le ministère public insiste sur le fait qu'il s'agit, pour l'instant, d'un premier soupçon qui "se fonde naturellement sur un état des connaissances entaché d'incertitudes et de lacunes". "Les enquêtes à mener prendront probablement un certain temps, de sorte qu'il ne faut pas s'attendre à des résultats rapides".

Polémique sur fond de changement climatique

Au lendemain des inondations allemandes, ce sont 190 personnes qui ont perdu la vie les 14 et 15 juillet derniers. Avec des dégâts matériels évalués à environ 5 milliards d'euros...

Comme en Belgique, une polémique s'est rapidement enclenchée sur l'anticipation des événements météorologiques par les Autorités, sur le fonctionnement du système d'alertes et sur les mesures d'évacuation. Ces pluies diluviennes autour des rivières de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de Rhénanie-Palatinat ont dévasté de nombreuses communes, notamment dans la vallée de l'Ahr. Bilan, toujours provisoire : 190 tués dont 142 dans la seule région de Rhénanie-Palatinat. Région dans laquelle 16 personnes sont toujours portées disparues.

Fin juillet, la chancelière Angela Merkel s’était rendue au village martyr de Schuld (Rhénanie-Palatinat). Elle y a réitéré son intention "d’accélérer" la lutte contre le changement climatique. "Par rapport à l’objectif d’une hausse inférieure à 2°C, ou aussi proche que possible de 1,5°C, les progrès sont insuffisants, avait-elle déclaré. "Cela vaut non seulement pour l’Allemagne, mais aussi pour de nombreux pays. C’est pourquoi le rythme doit être accéléré.

Et chez nous ?

En Wallonie, cinq fois moins touchée que les régions ouest-allemandes en nombre de victimes mortelles (41 décès), un juge d'instruction enquête aussi sur d'éventuelles responsabilités pénales. Le 28 juillet dernier, un magistrat liégeois a été chargé d'identifier d'éventuels responsables qui pourraient être pénalement poursuivis pour "homicides involontaires, par défaut de prévoyance ou de précaution".

Pour rappel, au micro du journal d'RTL Info, Damien Ernst, ingénieur informaticien et professeur de l'Université de Liège a dénoncé une "erreur colossale au barrage d'Eupen qui est la cause de la gravité des inondations dans les localités de la vallée de la Vesdre". Et Damien Ernst d'ajouter : "La majorité des destructions ont eu lieu dans la vallée de la Vesdre, le long du cours d'eau. Elles sont principalement dues au fait que le barrage d'Eupen a du relâché de l'eau en pleine crise alors qu'il était censé la retenir. Il y a eu une erreur majeure en termes de prévision."

Selon l'ingénieur en colère, "il aurait fallu relâcher de l'eau de ce barrage dès samedi ou lundi pour avoir la capacité suffisante pour retenir l'eau au pic de la crue. Cela n'a pas été fait. Ils ont du lâcher l'eau le mercredi, ce qui a créé ce "tsunami" qui a ravagé Verviers, Eupen, Dolhain et tous ces endroits le long de la Vesdre. C'est vraiment une erreur colossale en termes de gestion de risque. Les responsabilités sont immenses".

Cette enquête belge se déroulera-t-elle avec avec encore plus de "discrétion anti-médias" que d'habitude ?