En effet, le pays du grand révolutionnaire africain, Ahmed Sékou Touré, l’homme qui a osé dire « Non » au générale De Gaule au référendum du 28 septembre, n’était pas totalement actionnaire de cet aéroport, trois ans après la mort de ce dernier.

L’État guinéen détenait auparavant 51% des actions de son aéroport principal. L’année 2023 débute avec cette bonne nouvelle pour l'économie du pays, selon laquelle l’État guinéen devient désormais l’unique actionnaire de la Sogeac (Société de gestion de l’aéroport de Conakry). Les 49 pourcent pour des actions du trio des coactionnaires au sein de la Sogeac composé des aéroports de Paris (ADP), l’Agence française de développement (AFD) et la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux (CCIB) sont revenus à l’État guinéen.

Selon la partie guinéenne, dès après la signature de l’acte de cession, il sera lancé un projet d’extension et de modernisation de l’aéroport qui avait été privatisé le 2 novembre 1987.

Une nationalisation assumée

Pour rappel, l'aéroport international Gbessia de Conakry a été rebaptisé "Aéroport international Ahmed Sékou Touré" en décembre 2021 par le président de transition le colonel Mamadi Doumbouya, du nom du premier président de la Guinée, Ahmed Sékou Touré. Le respecté leader africain a dirigé le pays depuis l'indépendance en 1958 jusqu'à sa mort en 1984.

L'actuel aéroport international Ahmed Sékou Touré a été privatisé trois ans seulement après la mort du « Guide révolutionnaire » de la Guinée indépendante et confié à la Sogeac, société mixte, le 2 novembre 1987 par le régime militaire du colonel Lansana Conté.

Une contestation des opposants

Selon AfriqueXXL, un magazine d'actualité en ligne, en 1959, l'opération « Persil » est menée contre Sékou Touré par le gouvernement français. Les rebelles voulaient utiliser de la fausse monnaie pour déstabiliser le pays et essayaient de faire passer des armes en contrebande dans le pays. Cependant, ce complot s'est retourné contre la France et a finalement profité au président guinéen. À la suite de cet échec, il a pu utiliser l'événement comme justification pour arrêter ses opposants et rivaux politiques.

Son règne prévoyait des dénonciations conspiratrices comme méthode de gouvernance. Cela lui a donné une excuse pour emprisonner ou même exécuter des personnes qui l'ont surpassé par un complot réel ou perçu. Pour cette raison, sa rhétorique a été utilisée pour créer l'unité et la cohésion nationales contre les menaces extérieures réelles et imaginaires et la dissidence interne. Le camp Boiro à Conakry, en Guinée, abritait de nombreux prisonniers politiques qui ont enduré la famine et la torture. La "diète noire" impliquait l'absence totale de nourriture et d'eau jusqu'à la mort.

Le massacre du Camp Boiro ravive les mauvais souvenirs

En donnant à l’aéroport de Conakry le nom d’Ahmed Sékou Touré, les putschistes ont suscité l’indignation de quelques guinéens qui n'ont pas oublié les mauvais souvenir du régime de cette époque.

Considéré tantôt comme un « héros », tantôt comme un « tyran », le « père de l’indépendance » divise toujours le pays près de quarante ans après sa mort. Mais au-delà de son héritage, cette décision ravive le souvenir de l’ensemble des violences politiques perpétrées par les régimes successifs et relance le débat sur l’impunité.

L’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB), qui s’était levée contre la rebaptisation de l’aéroport de Conakry avec le nom de l’ancien Président Ahmed Sékou Touré a eu une réponse des autorités. Dans le courrier adressé à l’AVCB, le Secrétaire général à la Présidence, le colonel Amara Camara indique que « La rebaptisation de l’aéroport est une décision souveraine et assumée. À ce titre il a appelé toutes les associations à « dépassionner le débat et à se concentrer sur l’avenir ».

Tout porte à croire que le nouveau nom dudit aéroport sera maintenu vu de la position du gouvernement de la transition et de la plus grande partie de la population.