Au terme d'un match d'anthologie, les Suisses ont éliminé hier soir la France aux pénaltys (5-4) après un partage de 3 buts partout. Retour sur les moments forts d'un match où le David suisse a fini par terrasser le Goliath français.
A quelques heures du match-couperet, la confiance chauvine est de mise sur le plateau de France 24. "Alors, Benoît Perrochais, ce France-Suisse, en huitième de finale ce soir, ça devrait passer ?", sourit le présentateur de JT. "Oui, a priori, c'est à la portée des Bleus !", s'exclame le journaliste sportif Benoît Perrochais. "Sur le papier, en tout cas, y a pas photo : la Suisse n'a plus battu cette équipe de France depuis 30 ans. L'effectif de Didier Deschamps est nettement supérieur à celui de la Nati..."
La veille, le nez plus fin que leurs confrères télévisuels, Le Figaro prévenait dans son titre : "France- Suisse : pas de (mauvaise) blague". Et d'ajouter, visionnaire : "Cette équipe de France n’a pas le choix. Une élimination face à la Suisse, très neutre troisième d’un groupe dominé par l’Italie et le pays de Galles, serait vécue comme un fiasco. À ranger parmi les plus cuisants de l’histoire de la sélection."
L'horloge suisse
Le match commence doucement mais les Suisses font plus que résister. Et surtout, l'attaquant-vedette Kylian Mbappé manque de précision comme de réussite devant le but. Pourtant, le phénomène français joue bien et sera impliqué dans 2 des 3 goals de son équipe. Mais dès qu'il se retrouve devant le cadre adverse, c'est à côté, au-dessus ou sur le gardien. L'horloge suisse, elle, se fait toujours plus précise. Soudain, Steven Zuber file sur la gauche. Il centre vers le crâne de Haris Seferovic. Le buteur saute bien plus haut que le défenseur Clément Lenglet, complètement mystifié. Le ballon frôle ensuite le bas du montant gauche et s'engouffre dans les filets français. Stupéfaction : 1-0 pour la Suisse !
Prise à la gorge, l'équipe de France doit absolument réagir. Mais leur football est empoté, apathique, insuffisant et ne donne aucun tir cadré. C'est la mi-temps. Les Suisses rentrent au vestiaire avec l'avantage psychologique. Pour la suite de la partie, Didier Deschamps, l'entraîneur champion du monde 2018, a rangé ses lubies et reformé son classique 4-4-2 avec la montée au jeu de l'excellent Kingsley Coman.
Un match de dingues
La seconde mi-temps va offrir un festival d'émotions fortes. D'entrée de jeu, après consultation du VAR, l'arbitre donne un pénalty pour les Suisses pour un mauvais tacle de Benjamin Pavard dans la surface de réparation. L'intensité est à son comble. L'équipe de France est à quelques secondes de se voir menée 0-2. Plus Français que jamais, Karim Benzema va parler au gardien Hugo Lloris, comme pour lui dire quel côté le tireur suisse va choisir. La peur de gagner, une pression psychologique trop forte ? Le latéral gauche Ricardo Rodriguez, excellent jusque là, sort un tir trop lent, sans contre-pied. Lloris l'arrête en 2 temps et se relève en hurlant... Premier tournant du match.
Ou le réveil de l'attaque française flamboyante, tant vantée par les commentateurs depuis des mois. Quelques minutes plus tard, Mbappé sert Benzema à l’entrée de la surface. En pleine course, KB9 contrôle de l'intérieur du talon droit pour faire rebondir la balle devant lui et clouer du gauche le gardien suisse d'un tir-missile inarrêtable. C'est l'égalisation ! Comme l'ouverture d'un nouveau torrent d'histoires à se demander comment les Autorités du football français ont pu bien bannir, durant des années, un si magnifique joueur ? Mais Benzema s'en fout : il a encore faim !
Dans la minute qui suit, l'attaquant se retrouve au bon endroit au bon moment pour récupérer un tir d'Antoine Griezmann, précédé d'un beau mouvement collectif. En extension face à la cage suisse, le madrilène place du front le ballon sous la transversale. 2-1. La France revient tout droit de l'enfer avec un doublé de Karim Benzema ! Et c'est encore sur un tir contré de ce dernier que le milieu de terrain, Paul Pogba, récupère le ballon, se crée un espace et envoie l'une des belles frappes enroulées du tournoi. 3-1. La France exulte et respire... Pour retomber dans ses travers dysfonctionnels de première mi-temps, auquel s'ajoute une incroyable arrogance d'imaginer avoir manger "les petits suisses" quinze minutes avant le terme de la rencontre.
Une quasi remontada
Tandis que les Français tiennent péniblement leur victoire, les Suisses s'appliquent et resserrent le jeu. Surtout, ils ne cessent pas un instant d'y croire. A la 80 ème minute, Kevin Mbabu s'échappe sur la droite. Et adresse le même centre qu'en première mi-temps sur la tête du même Seferovic. 3-2. Fatigués, communiquant mal, offrant beaucoup trop d'espaces, les Français se laissent bluffer par une dernière phase collective des Suisses. A vingt mètres de la cage de Lloris, Mario Gavranovic, arrache l'égalité d'un tir d'une précision diabolique ! 3-3. Les prolongations ne donneront pas grand-chose, sinon cette frayeur, côté suisse, avec un magnifique tir de Coman heurtant la transversale...
C'est l'heure de l'impitoyable séance de tirs aux buts. Les neuf premiers sont convertis, tant par les Suisses que par les Français. Vient le dixième pénalty dont doit se charger l'attaquant-star de l'équipe de France : Kylian Mbappé. Tout indique l'extrême tension psychologique sur le visage du jeune homme qui n'a pas 25 ans. Il prend très peu de temps de concentration, quasiment aucun élan et... manque complétement son tir que le gardien Yann Sommer dévie après avoir plongé du bon côté. C'est terminé. L'ouragan de joie suisse déferle sur le stade : l'outsider est qualifié. Immobiles et sonnés, les français sont éliminés.
Leçon d'humilité
Un journaliste a demandé au capitaine italien quel était "le secret" de son équipe pour réaliser, jusqu'à présent, un si beau parcours dans cet Euro 2021 ? "De l'attention, du sacrifice et de l'humilité", a répondu Leonardo Bonucci. Ce 28 juin, les deux dernières qualités étaient indéniablement du côté suisse. Moins forts techniquement mais plus soudés, les outsiders ont réussi à tenir un partage face aux champions du monde 2018, renforcés d'un Benzema superbement déchaîné.... Bravo, les Suisses ! Pourvu que votre victoire inspire les Diables rouges qui affronteront, ce vendredi, une Squadra azzura aussi humble qu'en très grande forme footballistique.