Les deux policiers en garde en vue auront fait moins de 48h en cellule. Une privation de liberté bien trop courte au vu des images très violentes dont ils sont les acteurs. Un premier signe qui montre que l'enquête judiciaire sera bâclée ? Pour protéger des collègues à la gâchette facile, tout à fait libres de recommencer ?

C'est hier, en fin d'après-midi du 17 août, que les deux policiers de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) de Stains (Seine-Saint-Denis) ont été remis en liberté. Le duo avait pourtant été placé en garde à vue la veille, le 16 août, pour « tentative d’homicide volontaire »... Une vidéo les montrant clairement en train de tirer une dizaine de balles sur un véhicule, en mouvement puis à l'arrêt. Blessant grièvement les deux occupants de la voiture.

L'intention d'homicide écartée

Apparemment, il aura suffi que les policiers ouvrent la bouche pour que le parquet de Bobigny les croient sur paroles, en contradiction totale avec les images filmées par des témoins et visionnées à travers la francophonie. Des images où l'on voit deux policiers armés tirer quatre balles à l'intérieur d'un véhicule immobilisé, après que les occupants aient déjà essuyé cinq de leurs tirs. A aucun moment, on ne voit que les automobilistes sont armés ou qu'il y aurait eu légitime défense... « Les premiers éléments de cette enquête […] ont conduit le parquet à écarter l’intention d’homicide » dans le chef des deux policiers, a pourtant estimé le ministère public.

Et, comme pour calmer toute velléités de protestation, le parquet a annoncé l'ouverture prochaine "d'une information judiciaire afin de poursuivre les investigations." Si celles-ci sont menées comme "l'analyse" des premiers éléments, les deux policiers-tireurs, âgé de de 27 et 30 ans, peuvent définitivement dormir sur leurs deux oreilles.

L'autre enquête

Dormir tranquille. Ce ne sera pas le cas des deux automobilistes blessés par balles. Ceux-ci font l'objet d'une enquête judiciaire pour "refus d’obtempérer" et "tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique". Des investigations qui sont menées par la police judiciaire de Seine-Saint-Denis et qui ne risquent pas de se montrer aussi compréhensives que le parquet de Bobigny et l'IGPN envers les policiers-tireurs. Ou le deux poids deux mesure dans toute sa "splendeur" française...

Pour rappel, lors de la fusillade du 15 août à Stains, le conducteur du véhicule a été touché par trois balles policières. Celles-ci l’ont blessé "au thorax, au bras et au pubis". La passagère a reçu une balle dans le dos. Mardi, leurs jours n’étaient plus en danger, mais chacun d'eux reste hospitalisé sur Paris.

Incompétence judiciaire et violences policières

L'avocat de la famille du jeune homme blessé, Me Yassine Bouzrou, a déclaré à l’AFP avoir déposé plainte pour "tentative d’homicide volontaire" et "faux en écriture publique", ainsi qu’une demande de dépaysement du dossier. L'avocat estimant, de façon fort pertinente, que "le Tribunal de Bobigny n’est pas apte à traiter des violences policières". "Les policiers ont mis en avant la légitime défense, ce n’est pas ce que je vois sur les images. Lorsque l’on tire à neuf reprises sur un véhicule à l’arrêt, je ne vois pas où est la légitime défense", a ajouté Me Bouzrou.

De son côté, le maire de Stains, Azzédine Taïbi - qui avait exigé que « toute la lumière soit faite sur ce drame" - n'a plus qu'a retéléphoné au préfet de la Seine-Saint-Denis. Car, à l'évidence, "la lumière" vient d'être éteinte pour un bon moment. Et son judicieux constat - "L’utilisation d’arme de service par des policiers ne portant pas leurs brassards officiels n’est pas un acte anodin" - même pas investigué par le parquet, trois jours après les faits.