Face au regain épidémique de Covid-19, la Polynésie française sera placée ce mercredi sous un couvre-feu de 21h à 04h du matin. En Martinique, le confinement se durcit et les touristes sont contraints de quitter l'île.
Le haut-commissaire de Polynésie, Dominique Sorain, envisage d’étendre "très rapidement" les heures de ce couvre-feu, voire de reconfiner l'île du Pacifique très touristique. "Le 16 juillet, nous avions un taux d’incidence inférieur à 10, aujourd’hui on est à plus de 1000", a regretté Dominique Sorain sur la chaîne locale TNTV lundi soir.
Propagation galopante
Après plusieurs mois de circulation très faible du virus, l’épidémie a connu un regain spectaculaire début août. Plus aucun Polynésien n’était hospitalisé à la mi-juillet, ils sont désormais 159 dont 27 en réanimation. Depuis le début de la pandémie, le Covid-19 a provoqué la mort de 166 Polynésiens dont 9 au cours du dernier week-end.
Plusieurs restrictions sanitaire étaient déjà été appliquées par les autorités polynésiennes : limitation des rassemblements publics à 20 personnes et interdiction de tout événement réunissant plus de 500 personnes (concerts et expositions, discothèques et salles de bals fermées, etc.)
Dans cette région française largement autonome, la santé dépend des autorités locales, mais la sécurité et la justice relèvent de l'Etat français. L’économie polynésienne, greffée sur le tourisme, a pleinement souffert de la crise sanitaire. Le haut-commissaire Sorain a précisé que l’Etat avait injecté 185 millions d’euros d’aides pour soutenir sa région durant l’épidémie, et que ces aides allaient se poursuivre.
Re-confinement strict en Martinique
La Martinique, comme sa voisine La Guadeloupe, fait également face à une violente remontée des cas de Covid-19. La situation se dégrade depuis plusieurs semaines à cause de la propagation du variant Delta, une souche du coronavirus plus contagieuse que celles détectées jusqu'à présent .
De plus, le reconfinement de l'île antillaise, décrété fin juillet (couvre-feu de 20 heures à 5 heures du matin et limitation des déplacements à 10 km autour du domicile), semble insuffisant à endiguer la propagation. Comme en métropole et en Guadeloupe, l'archipel voisine, l'annonce de ce confinement "light" avait donné lieu à de heurts entre des manifestants et les forces de l’ordre.
Une population largement hostile à la vaccination
Moins de 20% de la population adulte martiniquaise est intégralement vaccinée et seul 22% de la population a reçu une première dose. Un taux de vaccination qui se situe nettement en-dessous de la moyenne française établie à 56%. La population antillaise se montre très sceptique sinon hostiles aux vaccins contre le Covid-19.
Plusieurs raisons historiques expliquent cette hostilité. D'abord, un passé colonial et esclavagiste, dont l'héritage est encore fort présent divise l'île en noirs et blancs, nourrit une défiance populaire envers toute mesure décrétée par la Métropole. Ensuite, la plupart des Martiniquais sont plus confiants envers les médecines traditionnelles à base de plantes. Enfin, le scandale du chlordécone a négativement marqué les mémoires. Pour longtemps...
Empoisonnement par cupidité et négrophobie
Le chlordécone est un pesticide très cancérigène qui a été déversé par avions, pendant plus de 25 ans (de 1972 à 1990), sur les cultures de bananes de Martinique et de Guadeloupe. Interdit en 1993 par la France, ce produit toxique a encore été utilisé jusqu’en 2004 par plusieurs planteurs et propriétaires blancs martiniquais des bananeraies. Pour des motifs de rentabilité économique et de racisme négrophobe manifestes. Sur au moins deux générations, les travailleurs et récolteurs de bananes, quotidiennement exposés du produit toxique, étaient afro-descendants.
De nos jours, 92% des Martiniquais et 95% des Guadeloupéens sont empoisonnés au chlordécone. Autrement dit, en moyenne : 9 Antillais sur 10. En Martinique, le taux des cancers de la prostate est le plus élevé au monde pour une population de 368.783 habitants au 1er janvier 20218... D'un point de vue environnemental, la moitié des terres de l'île sont empoisonnées pour des siècles. Jusqu’à 700 ans, selon les sols. La contamination est globale : après les sols des bananeraies, celle-ci a touché les cours d’eau de surface, les nappes phréatiques et puis la mer.
L'Etat français a longtemps nié ou rusé avec le lien évident de cause à effet entre le chlordécone et la multiplication des cancers sur l'île comme la pollution des sols insulaires. Jusqu'à aujourd'hui : aucune justice n'a été rendue ; aucun responsables de la bourgeoise blanche martiniquaise condamné ! Cet empoisonnement généralisé des populations noires et métisses reste très présent dans les mémoires et ne facilite guère la confiance envers des vaccins "blancs", venus de Métropole et controversés sur la dangerosité de leurs effets secondaires.
Nombre de Martiniquais l'expriment sans détours : "Macron a dit que nous sommes en guerre, et nous, en Martinique, nous lui disons que nous sommes en légitime défense. Son vaccin de merde, nous n’en voulons pas !" Une mère de famille a aussi déclaré : "S'il le faut, on prendra le coutelas ! On va pas laisser nos enfants se faire vacciner." Enfin, comme en métropole, plusieurs médecins et infirmières martiniquais refusent de se faire vacciner, malgré que cela soit devenu obligatoire dans leur secteur professionnel.
Hôpitaux antillais saturés
Le taux d’incidence hebdomadaire est officiellement de 1166 nouvelles contaminations pour 100.000 personnes et de 331 patients hospitalisés, dont 49 en réanimation. La Martinique serait passée de 410 cas, le 6 juillet dernier, à 4171 pour la première semaine d’août. L'île comptabilise actuellement 35 décès.
Face à cette situation, le préfet du département antillais, Stanislas Cazelles, a annoncé une seconde phase de confinement : "Les commerces seront fermés, sauf les commerces alimentaires et les pharmacies". "Les magasins utiles pour la rentrée scolaire" rouvriront lorsque "la situation sanitaire se sera améliorée", a-t-il ajouté. Avant d'inviter "les touristes à mettre fin à leur séjour et à quitter le territoire". "Saus exceptions, les hôtels, locations saisonnières, les lieux de loisirs et de culture seront fermés", notamment "les plages", qui "ne seront plus accessibles au public", a prévenu le préfet. Un "départ [qui] pourra s’échelonner sur plusieurs jours, sans date impérative", a nuancé le préfet sur Twitter.
En outre, les Martiniquais ne pourront se déplacer que sur une distance d’un kilomètre autour de leur domicile, contre 10 kms jusque-là. "Ces règles sont strictes, elles seront levées dès que la situation sanitaire le permettra", a promis le préfet. Selon le ministre français des Outre-mers, Sébastien Lecornu, la crise sanitaire est "extrêmement grave" aux Antilles avec des taux d'incidence "jamais connus" en France.