Refusant les intimidations, une équipe de Cité24 est retournée ce vendredi au Foyer Jettois. Pour réaliser le reportage sur le Vaccibus, entravé la veille par une employée de la Croix-Rouge. Sur place, nos journalistes ont été abusivement contrôlés, surveillés et empêchés de travailler par la police.
"Vous pouvez filmer le dispositif mais vous ne rentrez pas dans le dispositif ! C'est ce que je vous ai dit : vous reculez ! Je vous interdit de rentrer dans le dispositif !"
C'est avec cette injonction abusive que la policière-responsable, renforcée par trois autres agents, entravera la nouvelle tentative de reportage de Cité24 sur le "Vaccibus". Du nom de l'opération d'incitation à la vaccination en bus, lancée par la Cocom, à travers plusieurs communes de la capitale. La première d'entre-elles étant Jette.
Pour rappel, cette opération sanitaire se déroule, depuis le jeudi 8 juillet, sur la voie publique, aux pieds d'immeubles d'un quartier populaire. Et il n'y avait aucun "dispositif" (de sécurité ?) autre que celui créé de toutes pièces par ces quatre policiers pour empêcher Cité 24 de travailler.
"Un repris de justice"
C'est après un long contrôle d'identité de plus de 25 minutes que notre équipe a tenté d'obtenir des réponses aux questions journalistiques que pose l'opération de vaccination inédite sur Bruxelles. Sous étroite surveillance et continuellement empêchés par la police d'en approcher les responsables de terrain.
Présent plus tôt dans la matinée, une témoin a envoyé ce message à Cité24 : "J'étais allée ce matin [autour du Vaccibus] pour voir si la bénévole de la Croix-Rouge était encore là. Elle était là. A causer avec les policiers qui étaient là, eux aussi. Leurs commentaires sur vous [Fayçal Cheffou] étaient que vous n'étiez pas journaliste mais un repris de justice. Et de rigoler bêtement. Lamentable !"
Allégation doublement grotesque
Un témoignage unique, bien sûr. Mais qui concorde furieusement avec la façon dont l'agressive employée de la Croix-Rouge, reviendra - toujours de sa propre initiative - harceler notre journaliste avec ces mots assertifs : "Vous arrêtez de me filmer : j'veux pas passer sur internet !" Fayçal Cheffou lui répond : "Je fais mon travail". La réplique comme le tutoiement indélicat fusent : "Non, ce n'est pas ton travail ! Tu n'es pas journaliste !"
Cette affirmation gratuite, qui relève de la diffamation, peut coïncider avec les termes "repris de justice", entendus par notre témoin quelques heures avant l'arrivée sur les lieux de Cité 24. Une criminalisation d'autant plus grotesque que, d'une part, notre confrère Fayçal Cheffou n'a jamais été condamné par la justice et, d'autre part, celui-ci a été totalement blanchi des fausses accusations policières de "complicité de terrorisme". Avec, en prime, les excuses de la Procureure du parquet fédéral.
Mais qui a mis dans la tête de la furie cette divagation mensongère ? Très probablement la policière et ses collègues qui, plus tard, exerceront leur "ordre de mission" consistant à entraver la liberté d'informer de Cité24. Pour rappel, celle-ci ne se borne pas à une prise d'images, de loin, mais doit aussi comporter la liberté de poser toute question aux acteurs de l'évènement couvert. D'ailleurs, cette opération de vaccination mobile a été librement traitée par d'autres médias, telle la RTBF, sans que leur travail ne soit entravé par du personnel de la Croix-Rouge ou des policiers.
A cet égard, la policière en cheffe a avoué, devant notre caméra, sa volonté de réprimer la ligne éditoriale de Cité24 pour laisser tranquilles les médias qui, selon elle, "font bien leur travail", telle la RTBF. "C'est la nuance avec vous, ok ! Vous détruisez le métier de la presse", a conclu la "spécialiste" policière des métiers du journalisme...
La Croix-Rouge annonce des sanctions
Avant que notre équipe ne retourne au Foyer Jettois, Fayçal Cheffou a appelé la Croix-Rouge. Pour questionner et obtenir une réaction sur l'incident survenu jeudi. Au bout du fil : Nancy Ferroni, porte-parole de la Croix-Rouge de Belgique francophone et responsable des relations avec la presse. "Nous avons attentivement regardé votre vidéo et lu votre article", démarre la porte-parole. "La position de la Croix-Rouge est la suivante : nous ne cautionnons aucun comportement violent, de la part de nos employés ou bénévoles, car ce n'est pas conforme à nos valeurs de bienveillance et de coopération. Dès lors, des sanctions seront prises à l'égard de cette personne."
Pour la première fois, la représentante d'une institution conforte notre analyse et respecte notre mission journalistique. Ce qui est assez rare pour être souligné. "Maintenant, nous avons découvert votre reportage assez tard, hier soir, et, ce matin, nous n'avons pas encore pu identifier la personne concernée", poursuit Nancy Ferroni. "Nous savons qu'il s'agit de la section locale de Jette et que cette commune a demandé à la Croix-Rouge d'organiser un dispositif de prévention et de soins, au cas où une personne ferait un malaise... Ce petit dispositif d'appoint était composé de deux personnes, un homme et une femme, qu'on voit sur vos images, mais ils ne participent pas à l'opération de vaccination."
Autre raison de souligner que le duo énervé n'avait aucune raison ni autorité pour sommer le journaliste de Cité24 à cesser de filmer l'opération. Et encore moins de le prendre violemment à partie, sans lui laisser le temps de décliner sa qualité professionnelle ni de montrer sa carte de presse.
Dépôt de plainte
"La dame n'avait pas, en aucun cas, à faire usage de violence, mais elle a aussi manifesté clairement son droit à l'image", tente de nuancer la porte-parole de la Croix-Rouge. En réalité, les images de notre premier reportage avorté ne souffrent aucune ambiguïté. C'est bien l'employée ou la bénévole qui interpelle notre journaliste en train de filmer le Vaccibus. C'est elle qui recherche l'incident ; qui clame ne pas vouloir être filmée tout en appelant, dans son dos, le journaliste qui filme autre chose à se retourner vers elle... Et c'est encore elle qui s'attaquera ensuite au matériel professionnel de Fayçal Cheffou. Lequel a décidé de déposer plainte.
Nancy Ferroni n'en disconvient pas et cherche, avec bienveillance, à apaiser la tension : "On peut aussi comprendre que le climat ambiant soit à l'énervement, que ça monte vite dans les tours lorsque certains ne veulent pas être filmés. On l'a vu aussi avec les boums au bois de la Cambre et l'attitude de certains policiers. Vous savez, nous avons 12.000 bénévoles en Belgique francophone et on ne peut pas être derrière chacun d'entre-eux. Mais je comprends que certain.e.s soient tendus ou sous pression, car cela fait plus d'un an et demi qu'ils et elles sont très investis et actifs sur le front du Covid".
Double standard et harcèlement policier
Quel que soit l'état de fatigue et d'épuisement psychologique des uns et des autres, il demeure un fait indiscutable : le double standard de traitement au préjudice de Cité24. Emanant d'un responsable communal de l'opération Vaccibus, d'employés "tendus" de la Croix-Rouge et, le lendemain, d'une énième répression policière ciblant Cité24.
Pour le dire autrement, lorsque des journaliste belgo-blancs de la RTBF ou d'autres médias traditionnels débarquent pour filmer le Vaccibus et interroger ses responsables : c'est Open bar ; lorsqu'il s'agit du journaliste afro-descendant, belgo-marocain, du webmedia Cité24, Fayçal Cheffou : c'est une terreur ou une haine qui s'empare de ces mêmes responsables. Ceux-ci alerteront ensuite la police pour les "protéger". De quoi ? D'une attaque terroriste ? Non. D'une conception du journalisme libre, indépendante et participative. D'une conception qui, en démocratie, devrait se voir défendue par les Autorités comme par nos confrères.
Mais sommes-nous encore en démocratie et sommes-nous "vaccinés" contre la dictature ?