Hier soir, Cité24 publiait une chronologie précise des violences subies par Mathis, dans l’enceinte de l’école E.E.S.P.W.B.E. de Nalinnes, dans le Hainaut, le 5 septembre dernier. Un peu plus tôt dans l’après-midi s’était tenue une rencontre entre le Directeur Général aux Droits de l’Enfant et le P.O. lors de laquelle Julien Nicaise, administrateur général de WBE, a estimé que « L’école a respecté les obligations requises » (circulaire 5643 du 4 mars 2016)

Depuis la Communauté Wallonie Bruxelles a publié un communiqué de presse reprenant la version de l’école qui parle d’une « crise » continue et extensive qui dure donc de +/- 13h30 à +/- 16h, ce qui vise surtout à invisibiliser les mesures de « contention » prises dans l’enceinte de l’école. 

Que dit la circulaire ? 

Nous avons donc lu en détail la Circulaire n° 5643 du 4 mars 2016 relative aux « Mesures de contention et d’isolement dans l’enseignement » : depuis le cadre chronologie posé. 

Le cadre des mesures de « contention » est balisé par l’Art.6 du décret Missions qui prescrit la promotion de « La confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ». La circulaire prescrit clairement que la contention ne peut être exercée qu’en « dernier recours » (1.1).

La directive précise que les mesures de contention ne peuvent en aucun cas « pallier un manque de personnel » ou être exercée en vue d’assurer un « certain confort » pour les professionnelles. Le retard de la maman ou le fait de ne pas parvenir à l’atteindre ne peut donc en aucune façon constituer une raison d’appliquer cette technique. C’est pourtant ce que l’école comme la police ne cesse d’expliquer depuis en une inversion complète des responsabilités. 

Nous attendons une copie du p.v. d’intervention

Comme le restitue la chronologie des faits, Mathis a subi plusieurs mesures de « contention » et d’ « isolement » (1.1.4). Chacune de ces procédures doit faire l’objet d’un enregistrement écrit (3.4) : « L’enregistrement de la mesure doit être effectué de manière systématique au sein de l’établissement ». « Une communication au sujet de toute mesure de contention qui a été prise doit être effectuée auprès : des parents et/ou du représentant légal de celui-ci ». Nous attendons donc qu’une copie du document écrit des mesures de contention exercées sur Mathis soit envoyée à la maman : notamment pour les différents modes de contention ou d’isolement utilisés ainsi que pour la durée de contention ou d’isolement.

La « contention » s’appuie pour pouvoir être mise en œuvre sur la notion de « danger » (1.2) qui est définie comme : « un risque réel et imminent pour l’intégrité physique de l’élève concerné ou d’autrui ». Depuis plusieurs jours on nous parle d’une « Mise en danger sur mineur », du fait que Mathis se serait mis en danger et aurait mis en danger autrui sans que la notion de « risque réel et imminent » ne soit jamais caractérisée.

La « contention » doit rester une intervention en « dernier recours »

Si l’on suit la chronologie de l’école que reprend le parquet comme la CWB sans distance critique ni prendre en compte la version de Mathis et de sa maman, Mathis est en « crise permanente » à chaque étape du dispositif : dans la cour de récréation, lorsque son beau-père demande à l’avoir au téléphone, dans le couloir, lors du briefing avec la police, etc. Nous avons montré hier dans la chronologie circonstanciée que cette version, faite sur mesure pour déresponsabiliser l’école comme la police, ne tient pas l’épreuve des faits. Lorsque le policier fait violemment tomber Mathis, le plaque contre le mur et le projette au sol pour le maintenir de longues minutes, Mathis est sous la surveillance d’une policière et ne représente un danger ni pour lui ni pour autrui. 

La directive, pour bien baliser l’usage absolument exceptionnel et en « dernier recours » de la contention, rappelle l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté [....] ». Elle rappelle aussi l’article 2 de la Convention des droits de l’enfant : « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

Une seconde notion cardinale de la circulaire est celle de l’ « information » : comme les mesures de contention et d’isolement présentent un « risque d’abus potentiel important », la circulaire prescrit qu’il convient de « mettre tout en œuvre afin de diminuer la charge traumatique » (1.3.4). Il convient donc de « rechercher autant que possible l’implication volontaire de l’élève ». 

Une « crise » qui déresponsabilise l’institution 

À l'évidence, l'école n’a pas cherché à dialoguer de façon suffisante avec Mathis, ce qui avait pourtant été fait lors d’une précédente agression négrophobe que Mathis avait vécue quelque jour plus tôt, lorsqu’il avait trouvé l’oreille attentive d’un assistant social. Mais plus grave encore, « les parents ou représentants légaux doivent être informés d’une mesure de contention dans un cadre préalablement défini ». Or à aucun moment ni la maman de Mathis ni son beau-père n’ont été informés des mesures de contention exercées sur Mathis. 

Les procédures de contention sont donc extrêmement bien balisées par la circulaire. Et il est explicitement prescrit qu’il s’agit de développer des « alternatives » (2.1). Selon le schéma directeur (p. 14), la contention ne peut être pratiquée que dans une « situation de violence et/ou d’agitation aiguë ». La directive parle d’une « Mise en danger imminente ». L’école, la police, la CWB et le parquet parlent d’une crise extensive et continue qui court de 13h30 à +\- 16h.

L’école ne donne donc aucun élément qui permettrait de caractériser l’élément d’ « imminence », elle reste extrêmement vague en parlant de « crise » sans qu’aucune donnée chronologique permette d’en saisir le processus, les différentes étapes et les interventions du corps enseignant. C’est un peu comme si Mathis était magiquement en « crise » chaque fois que l’école et la police exerçait un acte de « contention » hors du cadre de la circulaire. 

Absence d'évaluation, facteurs à risques non pris en compte, …

La circulaire exige également une surveillance continue des facteurs à risques. Mathis dans son récit du placage ventral parle de « problèmes respiratoires » et de « fausses déglutitions », ce qui correspond précisément aux facteurs à risque (3.1.). Le policier continue pourtant d’exercer le placage ventral de longues minutes. « La contention ne peut en aucun cas entraver les fonctions vitales. Il conviendra également de veiller à maintenir la capacité à s’exprimer de l’élève à qui la contention est appliquée. » (3.3) Avec le placage ventral, on est clairement dans une brutalité policière qui va bien au-delà de ce que le cadre autorise. On est donc passé à côté d’un drame grâce à l’intervention extrêmement maîtrisée de la mère de Mathis. 

La « contention » doit également faire l’objet d’une évaluation (3.2) préalable : il faut donc une « recherche des causes du trouble ». Dans la colère de Mathis devant l’injustice que représente l’inégalité de traitement (c’est lui qui se fait traiter de « sale noire » et se fait frapper, et c’est lui qui est mis à l’écart, maintenu par un ouvrier de l'école et ceinturé par trois éducateurs pendant que l’autre enfant peut continuer à jouer librement) il n’y a aucune « crise » irrationnelle et incompréhensible pour les professionnels qui sont là. 

D’autant plus que Mathis ne se fait pas justice lui-même et cherche le secours des éducateurs présents dans la cour. La circulaire prescrit donc, dans un premier temps, « d’intervenir de façon à ‘traiter la cause’ », ce qui veut dire ici traiter l’insulte raciste et le sentiment d’injustice. Ce n’est pas du tout ce qui est fait puisque au contraire c’est Mathis qui est isolé. Ce qui génère la colère de Mathis.

Une intervention hors cadre

Ensuite, la circulaire prescrit de rechercher des « alternatives en fonction des causes recherchées préalablement ». De nouveau ici les alternatives sont assez faciles à identifier et à mettre en œuvre. Mais à aucun moment le corps enseignant ne cherche à réparer l’offense et l’insulte. La directive est extrêmement clair, « la décision de ‘contention’ ne peut être effectuée que dans le cas où ces mesures alternatives auraient échouée (cf. Schéma page 14) ». On voit que rien n’autorise l’école à substituer la recherche de mesures alternatives à la contention. 

Que ce soit du point de vue de l’information, de la communication, de l’extrême nécessité, de l’imminence, de l’échec de mesures alternatives, du débriefing, etc. les mesures de contention réalisées contre Mathis que ce soit par l’école et par la police ne respectent à aucun moment le cadre prescrit par la circulaire n° 5643 du 4 mars 2016 sur les « Mesures de contention et d’isolement dans l’enseignement ». Ces mesures sont de part en part brutales, hors cadre, disproportionnées et illégales. 

La direction porte l’entière responsabilité pénale de ce cadre de brutalité permissif. Mais au niveau civile, c’est l’employeur, à savoir le pouvoir organisateur (donc ici la CWB) qui est tenu responsable pour la faute commise par les membres du personnel. Le policier porte également la responsabilité du placage ventral. Ni la CWB, ni la ministre de l’Enseignement, Caroline Désir (PS), n’ont jusqu’ici pris en considération la version de Mathis et de sa maman, Rita Nkatbanyang. À aucun moment ils n’ont été considérés comme des personnes lésées. 

Le combat pour la justice est à peine commencé 

Pire, Mathis comme sa maman font l’objet de possibles poursuites de diverses ordres, d’abord pénalement pour la maman de Mathis (probablement pour « Atteinte à l’image de la zone » suite à la diffusion de la vidéo, ensuite Mathis qui est considéré comme s’étant « Mis en danger » parce qu’il s’est fait plaquer au sol par le policier pourrait être sanctionné via le SAJ ou le SPJ, puis le tribunal de la jeunesse, donc, également la maman en tant que tuteur légal avec des risques sociaux en cascade (retrait du milieu familial, placement, sanction financière, retrait d’aides sociales, etc.).

Devant tant d'injustices continuées qui se renforcent les unes les autres sur un même motif négrophobe (insultes, agressions, brutalités, calomnies, diffamation, poursuites, etc.), la maman de Mathis a décidé de se constituer partie civile. Dans un premier temps, elle a tenté de déposer une plainte au commissariat de la police locale de Charleroi, situé au 67 Bld. Pierre Mayence à Charleroi, mais s'est heurtée à un motif ubuesque, "Nous ne pouvons pas traiter votre plainte pour le moment en raison d'un manque de personnel", affirme Rita Nkatbanyang.

Plus que jamais Mathis et sa maman ont besoin d’un soutien concerté, conséquent et qui soit en mesure de renforcer ses capacités d’intervention judiciaires pour obtenir justice et réparation.