L'ex-commissaire de gouvernement n'est pas membre des Frères musulmans contrairement à ce qu'ont insinué Le Soir et d'autres médias mainstream, intoxiqués à l'insu de leur plein gré par Georges-Louis Bouchez. Au lieu de s'excuser pour la fake news, Le Soir s'est contenté de modifier son article mensonger et diabolisant. Question : après Ihsane Haouach, à qui le tour ?

La nouvelle hystérie politico-médiatique - partie pour devenir une affaire d'Etat ou de sécurité intérieure - a finalement "fait pschiiit" ; pour reprendre l'expression de feu l'ancien président français Jacques Chirac.

Dossier vide

Sur Bel-RTL, ce mardi matin, le co-président d'Ecolo, Jean-Marc Nollet, s'est dit "scandalisé par la manière dont certains, pour le citer Georges-Louis Bouchez [président du MR], ont poussé les journalistes à écrire des choses qu’il savait fausses [sur Ihsane Haouach]. Le rôle qu’a eu Georges-Louis Bouchez dans ce dossier est vraiment problématique, interpellant..."

Si la défense est tardive (3 jours), celle-ci recoupe nos informations sur le dossier vide d'Ihsane Haouach. Raison première pour laquelle, comme d'autres médias, nous n'avons pas jugé d'intérêt public de contribuer à médiatiser une énième fake news islamophobe. Nous avions senti, à des kilomètres, le piège puant dans lequel sont tombés, à pieds joints, les deux journalistes du média belgo-blanc Le Soir ; pour les citer : Bernard Demonty et Fanny Declercq. Rideau ? Pas vraiment.

D'une part, il faut constater un fait politique quasi structurel. Ce sont toujours les mêmes - Bouchez en tête - qui s'activent à diaboliser, avec succès, Zakia Khattabi, Rajae Maouane et maintenant Ihsane Haouach. S'il s'agit d'adversaires idéologiques de la droite belge francophone, faut-il souligner, pour les plus distrait.e.s, le quadruple point commun de ces trois personnalités ? Etre femme, d'origine maghrébine, de culture et/ou de religion musulmane et en position de pouvoir/d'influence. D'autre part, la pseudo-affaire Haouach pose une grave question de déontologie journalistique (et ne comptons pas sur l'AJP ni les médias concernés pour l'aborder publiquement).

Abus de langage

En choisissant de généraliser "les journalistes", Jean-Marc Nollet a commis un abus de langage qui ne rend pas justice aux médias francophones qui se sont déontologiquement bien comportés face à l'irruption de la fake news. Dès la fin du week-end, deux médias traditionnels néerlandophones - De Standaard et De Morgen - mettaient hors de cause Ihsane Haouach quant à ses "liens potentiels" avec les Frères musulmans. Dimanche soir, sur le plateau du JT de la RTBF, la journaliste politique Rachel Crivellaro bouclait son billet par ces mots : "En tout cas, nous attendrons de voir ce qu'il y a dans ce rapport [de la Sûreté de l'Etat] avant de nous prononcer". Visionnaire prudence journalistique dans un océan médiatique de présomption de culpabilité pressurisant Ihsane Haouach depuis 48h.

Nollet ne rend pas non plus justice à Cité 24 qui, dès la démission d'Haouach, a choisi d'enquêter plutôt que de balancer n'importe quoi sur un faux-scoop présentant toutes les allures de l'instrumentalisation politicienne. Pendant que la plupart des médias embrayait sur les intoxications non-vérifiées du Soir, notre webmedia choisissait de mettre en avant le sujet - autrement plus crucial - des 430 sans-papiers en grève de la faim. Avec en titre une question grave surplombant toutes les autres. Une question également posée, au singulier, par notre confrère Fabrice Grosfilley à Jean-Marc Nollet, le matin du 13 juillet, soit 3 heures après la diffusion de notre article : "S'il y a un mort, ce sera la faute du secrétaire d'Etat à l'Asile et aux Migration, Sammy Mahdi ?"

Demi-contrition de la RTBF

Lundi matin, sur commande ou d'initiative, un journaliste de la RTBF, Himad Messoudi, a signé un article intitulé : "Affaire Ihsane Houach : quand la presse cède à la tentation". Hélas, tout au long de son papier, le journaliste omet d'y préciser de quelle "tentation" il parle exactement ? Islamophobe, sexiste ou raciste ou les trois à la fois ? Quoi qu'il en soit, cet acte de demi-contrition publique a le mérite d'exister. Et contraste avec l'absence totale d'autocritiques de ses confrères-concurrents. Ces derniers n'ayant pas hésité - sur la base de zéro élément factuel et d'un rapport qu'ils n'avaient pas lu - à charger la barque anti-Haouach tout le week-end.

Pourtant, notre travail, comme celui de la RTBF et des autres médias, ne consiste en aucun cas à céder aux chasses aux sorcières, ni à relayer au conditionnel des fake news, ni à embrayer sur des divagations à mauvaises sources (même si celles-ci sont diffusées par Le Soir). Ensuite, Messoudi commet le même abus de langage que Nollet en estimant que "tout le monde a cédé à la tentation". Par ce "tout le monde", comprenez l'ensemble du milieu journalistique belge francophone.

Or, c'est faux. Par exemple : l'ensemble des webmedias francophones, indépendants et réellement antiracistes, tels que Cité24, Zin TV ou POUR, n'ont pas foncé tête baissée dans ce piège tendu par le MR et tout le gang islamophobe organisé ! Enfin, pour contredire la conclusion d'Himad Messoudi, il n'y a strictement rien de "beau" dans ce "foirage" médiatique mainstream. C'est au contraire, et à nouveau, tout bénef pour l'extrême-droite tweetalig...

Propulsé par le Vif, Uyttendaele se déchaîne

Une fois de plus : le mal est fait ! Avec la contribution première du Soir et le suivisme pavlovien d'autres médias traditionnels. Comme celui du Vif-l'Express. Dès le lendemain du faux scoop, l'hebdo, connu pour son islamophobie et sa négrophobie, s'est empressé d'accueillir une "carte blanche" signée Marc Uyttendaele.

Ce texte, concocté par un militant islamophobe tendance canal historique, interminable de paranoïa et de mauvaise foi, se conclut par... un appel à une consultation populaire wallonne sur le port des signes religieux. Partagé plus de 670 fois, la prose du très influent constitutionnaliste reprend pas moins de 7 fois ce qu'il qualifie lui-même de "rumeur". A savoir : la fake news sur les imaginaires "accointances avec les Frères musulmans" d'Ihsane Haouach.

Enfin, il à noter qu'Uyttendaele confirme - si besoin était - son sexisme et son paternalisme en étant infoutu d'écrire correctement dans sa "carte blanche" les nom et prénom de Semira Adamu (pas "Samira Adamou"). Et, sans surprise, il ne fallait pas compter sur les responsables belgo-blancs du Vif-l'Express pour repérer a posteriori, puis effacer, l'insulte faite à la mémoire de la jeune Nigériane de 20 ans, étouffée jusqu'à ce que mort s'en suive par la police belge en 1998...

Demain, à qui le tour ?

Si la teneur du présent article nous sera sûrement reprochée, nous l'assumons. Parce que, demain ou après-demain, les médias belgo-blancs retomberont dans leurs travers. Rediffuseront une ou des fake news, empruntes de préjugés islamophobes, sexistes et racistes. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, Himad Messoudi ! Accusée, pressurisée, traquée, insultée sur les réseaux sociaux et, logiquement, épuisée, Ishane Haouach a démissionné. Elle n'a pu compter ni sur le parti qui l'avait désignée - qui s'est "solidarisé" du bout des lèvres et l'a défendue trop tardivement - ni sur le professionnalisme de médias, censés d'abord enquêter et ne pas se laisser intoxiquer.

Non pour ce qu'elle a fait mais pour ce qu'elle est, Ihsane Haouach allonge désormais la longue liste des citoyens non-blancs discriminés dans ce pays. Malgré leurs compétences intrinsèques et démontrées. Ces citoyen.ne.s à qui un féroce pouvoir communautariste blanc ne passe rien. A commencer par le simple fait d'exister, de s'exprimer politiquement et de pouvoir se tromper. Pour eux, tout.e citoyen.ne afro-descendant.e qui gagne en influence sociopolitique est à exclure sinon à abattre. Et ce type de barbouzerie ne peut se réaliser sans la complicité, paresseuse ou active, de médias mainstream. Mission accomplie : la "voilée" est dégagée ! Mais "il n'y a pas de quoi être fier", comme l'écrit Himad Messoudi. Qui a oublié cette question : après Ihsane Haouach, à qui le tour ?