Cela fait un an qu'elle a diffusé les terribles images prises dans une cellule de l’aéroport de Charleroi. Des faits de violences policières qui ont conduit à la mort de Jozef Chovanec en 2018. Mais depuis l'éclatement du scandale, l'enquête piétine. La veuve de Jozef Chovanec, Henrieta, estime que la justice belge joue avec ses pieds. “Honnêtement, je n’y crois plus”, avoue-t-elle au quotidien Het Laatste Nieuws.
Aux questions du journal néerlandophone, Henrieta Chovancova, la veuve de Jozef Chovanec, répond sans détours : “Cela me dérange que trois ans et demi après la mort de Jozef, ils n’aient même pas la moindre idée de qui ils pourraient vouloir traduire en justice [...] Comme le juge d’instruction ne soupçonne personne, mes avocats ont maintenant identifié huit individus qui, selon nous, devraient répondre devant le tribunal." Et la mère de famille d'ajouter : "Rien n’avance. J’ai peur qu’ils veuillent juste étouffer l’affaire.”
Violences policières et salut nazi
Pour rappel, Jozef Chovanec, 38 ans, est décédé le 27 février 2018 à l’hôpital Marie Curie de Charleroi. Ce citoyen slovaque y avait été transféré à la suite d’un malaise cardiaque survenu, le 24 février, dans une cellule de l'aéroport carolo. Lors de son embarquement dans un avion à destination de la Slovaquie, Jozef Chovanec est pris de délire. Il est arrêté par la police et "maîtrisé" de façon très violente dans une cellule de l’aéroport. L'homme a subi un plaquage ventral durant de longues minutes, la tête enveloppée dans une couverture, avant de se voir injecté un calmant. Durant l'opération, les agents sourient et rient ; une policière se fend même d'un salut nazi...
Pendent deux ans, "l'affaire Chovanec" sera complètement étouffée et inconnue des médias belges comme du grand public. C'est la décision prise par sa veuve, à l'été 2020, de diffuser la scène de violences mortelles (filmée par une caméra de vidéosurveillance) qui fera éclater l'affaire. Celle-ci sera suivi d'un scandale politico-médiatique ravivant le débat sur les violences et le racisme structurels au sein de la police belge.
“J’ai l’impression qu’ils jouent avec mes pieds”
Aujourd'hui, au-delà de la pseudo-sanction envers l'ex-n°2 de la police, Henrieta craint ne jamais obtenir ni la vérité ni la Justice. “Je suis découragée”, déclare-t-elle. “Cela fait trois ans et demi que je mendie [...] Lorsque j’ai diffusé les images l’été dernier, tout le monde m’a promis que l’enquête serait menée correctement”. Une reconstitution des faits avait enfin été programmée en février 2021, mais celle-ci a été annulée.
“Maintenant, j’ai peur que la nouvelle reconstitution soit à nouveau annulée. J’espère me tromper. Mais j’ai l’impression qu’ils jouent avec mes pieds, et ce depuis le début. Cela ne rend pas les choses faciles”, confie la jeune femme.
La reconstitution re-fixée pour les 27 et 28 septembre
L’avocate d'Henrieta, Ann Van de Steen, a confirmé, ce jeudi, que la reconstitution des faits aura lieu les 27 et 28 septembre prochains. Si la première reconstitution n'a pas eu lieu, c'est au prétexte des restrictions prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus.
“La crise sanitaire a rendu la chose impossible, et nous l’avons parfaitement compris.", poursuit Me Van de Steen. "Notre cliente a néanmoins été moins compréhensive, car cela fait des années qu’elle attend de la clarté sur l’affaire. Nous espérons qu’il n’y aura plus de report et que cette reconstitution sera le point final de l’enquête”.
Une enquête aux lenteurs suspectes
La future reconstitution promet d'être "complexe", selon l'avocate. “Ce sera évidemment une reconstruction complexe, en raison du grand nombre de personnes présentes et que tout doit se dérouler dans le respect de certaines conditions de sécurité. Une reconstitution dans un aéroport nécessite d’autres mesures que dans un bâtiment ordinaire. Deux jours ont été prévus pour reconstituer les événements qui se sont déroulés sur le tarmac et dans la cellule de police. Jusqu’à 150 personnes devraient être présentes ainsi que ma cliente qui viendra en Belgique”, a expliqué Me Van de Steen.
L’avocate espère qu’après la reconstitution, l’enquête judiciaire pourra être bouclée rapidement. “Il devrait vite apparaître s’il existe des indices sérieux de culpabilité contre les personnes impliquées. La chambre du conseil décidera en dernier ressort qui devra répondre devant le Tribunal, mais un complément d’enquête peut aussi être demandé. J’espère qu’on pourra vite arriver à une conclusion, car après le coup de pression exercé par la Slovaquie [le gouvernement slovaque s’est porté partie civile], on a annoncé, haut et fort, que les choses allaient avancer, mais dans la pratique, on attend toujours”.