Ce mercredi 9 juin, le Parquet de Bruxelles a confirmé la libération du premier suspect dans l'enquête sur le meurtre de Mounia. Un second suspect a été arrêté le 4 juin. Résultat : dix jours de prison pour rien pour l'afro-descendant Dany K., 21 ans. Cité24 a interrogé son avocat, Me Eddy Kiaku.


Pour rappel, le dimanche 30 mai, vers 19h40, Mounia, âgée de 36 ans, mère de trois enfants, se promenait à Evere avec son bébé dans une poussette. Soudain, elle est sauvagement poignardée au moyen d’un objet tranchant, au croisement de la rue des Deux Maisons et de l’Avenue du Cimetière de Bruxelles. La mère de famille est décédée des suites de ses blessures ; son enfant a été retrouvé sain et sauf.

Deux témoins ont pris en chasse l'agresseur de Mounia tandis qu'il prenait le fuite. Sans réussir à le rattraper. Mais c'est d'après leur description du suspect que la police va mener ses investigations. Le lendemain du féminicide, le juge d’instruction inculpe Andy K. et le place sous mandat d’arrêt. Cela, en raison "d’indices de culpabilité sérieux disponibles à ce-moment-là”. La détention préventive du jeune homme est ensuite prolongée par la Chambre du conseil, le 4 juin. Ce n'est que le 9 juin qu'e Dany est définitivement mis hors de cause et recouvre la liberté.

Emballement judiciaire et médiatique

"Mon client a été arrêté 3 heures après les faits", nous explique Me Eddy Kiaku, l'avocat de Andy K. "Il n’avait pas de traces de sang sur lui. Il n'aurait donc pas pu commettre ce meurtre atroce et avoir eu le temps de se changer avant d’être arrêté par la police à proximité du lieu des faits. Déjà sur ce point, il y avait quelque chose qui n'allait pas..."

A décharge des policiers, Andy K, jeune afro-descendant de grande taille, pouvait ressembler au suspect en fuite aperçu par les témoins du meurtre de Mounia. "Les deux poursuivants du criminel ont décrit une personne foncée de peau, de la même grande taille que mon client", enchaîne Me Kiaku. "Mais cela peut correspondre au profil de la moitié des africains noirs de Bruxelles, de la même taille, et dans la zone géographique des faits.  Ce n’est pas net : on ne peut pas maintenir quelqu’un en détention sur cette base-là !"    

Alors qu'Andy est sous les verrous, il est demandé à son avocat "d’attendre le temps que les vérifications se fassent". "Je n’étais pas d’accord", tonne Me Kiaku. "Parce que la détention préventive relève de la mesure exceptionnelle ! Ce n’est pas moi qui le dit : c’est la loi ! Par conséquent, on ne peut pas garder une personne en détention le temps de retrouver « le bon suspect ». Cela ne fonctionne pas comme ça !" 

Du sang humain sur des ciseaux

Ajouté à la vague description, c'est la possession de ciseaux qui a décidé les policiers à embarquer Andy. "On l’a retrouvé avec des ciseaux sur lui et les policiers ont pensé que ces ciseaux pouvaient être l’arme du crime.", nous confirme son avocat. "Mais quelqu’un a-t-il vu des ciseaux ?", poursuit Me Kiaku. "Personne ne confirme avoir vu des ciseaux dans la main de l’agresseur, tant les coups portés ont été rapides et brutaux. Rien ne confirme qu’il s’agit de ciseaux ! Ensuite, des traces de son sang étaient présentes sur les ciseaux d'Andy. C'était son propre sang : il s’était blessé avec ses ciseaux. Les policiers ont constaté du sang humain sur ce qui, pour eux, pouvait être l’arme de crime… et les choses se sont emballées. Ils ont pensé détenir le coupable du meurtre.

Après 11 jours de détention, la justice décide de libérer Andy K. "La juge a entendu nos arguments et nous sommes soulagés qu’elle ait ordonner sa libération", estime Me Kiaku. "Il faut le souligner : la juge a fait preuve de courage dans ce dossier. Car on a vu, dans d’autres dossiers similaires, des magistrats refuser, s’entêter et continuer de priver de liberté quelqu’un manifestement hors de cause."  

Préjudice psychologique énorme

Si le dénouement est heureux pour Andy, quel préjudice a subi ce jeune afro-descendant qui souffre d'un retard mental ? "Il vient de passer plus d’une semaine en prison alors qu’il n’y avait jamais été, qu’il n’avait commis un crime et qu’il n’a aucun antécédents. Voilà son préjudice.", nous répond Me Eddy Kiaku.

"C’est un préjudice psychologique énorme. Etre mis en prison alors que vous n’avez rien fait, que vous clamez votre innocence et que personne ne vous croit durant plusieurs jours. Andy est bien content d’avoir retrouvé la liberté mais cela ne répara pas ce qui s’est passé. D’ailleurs, comment réparer ça ? On est vraiment dans le cas de figure où un individu se fait arrêter, ne comprends pas ce qui se passe, et il y a un emballement judiciaire et médiatique par rapport aux faits. Et du coup, plus personne ne se contrôle… En réalité, voilà ce qu’ils ont fait dans ce dossier : ils ont d’abord arrêté et emprisonné une personne et après ils ont cherché à vérifier si les éléments qu’ils avaient étaient bons ou pas."

Et l'avocat d'ajouter : "Heureusement qu’Andy a de la famille qui s’est vite mobilisée après son arrestation. J’ai été consulté en tant que deuxième avocat et j’ai pris le dossier. Mais s’il avait été un véritable SDF, sans famille, sans attaches, sans rien : ce jeune aurait pu croupir en prison pendant un mois. Parce que personne n’allait bouger. Il aurait pu rester incarcéré 1, 2 ou 3 mois le temps qu’on vérifie tout et comprenne qu’il n’y est pour rien... C’est le gros problème qu’on peut avoir avec notre justice : s’il n’y a personne pour venir taper sur la table et dire que ça ne va pas, des innocents peuvent être enfermés longtemps."

Pour la famille de Mounia, comme pour tout un quartier d'Evere toujours sous le choc, il reste à espérer que le second suspect, incarcéré depuis le 4 juin, ne soit pas... un nouvel Andy.