À l'heure actuelle, les situations sont très différentes selon que les policiers belges interviennent en civil ou en uniforme. Néanmoins, la loi les obligent à porter une plaquette "nominative" sur leur uniforme.
Les policiers belges sont-ils anonymes ? En effet, beaucoup travaillent sans afficher leurs noms, prénoms et grades. Ils sont réticents à l'idée de pouvoir être identifiés par les individus qu'ils interceptent.
Des policiers se plaignent de cet état de fait et craignent d'éventuelles représailles. Mais le plus alarmant est que face à cette crainte, beaucoup choisissent de ne pas respecter le cadre légal en dissimulant la plaquette avec leur matériel de communication ou en ne la portant tout simplement pas.
Tout ceci a pour conséquence qu'il y a une difficulté objective d'application de la législation. De plus, la législation belge n'est plus en conformité avec la jurisprudence européenne.
Que dit la loi ?
En droit belge, la possibilité pour le policier d'intervenir de façon anonyme constitue une exception à l'obligation de légitimation. L'article 41 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992 stipule que: « Sauf si les circonstances ne le permettent pas, les fonctionnaires de police qui interviennent en habits civils à l'égard d'une personne, ou au moins l'un d'entre eux, justifient de leur qualité au moyen du titre de légitimation dont ils sont porteurs. Il en est de même lorsque des fonctionnaires de police en uniforme se présentent au domicile d'une personne. ».
Lorsqu'ils interviennent en civils, les policiers belges ont également la possibilité de porter un brassard. C'est le cas le plus fréquent lorsqu'ils doivent intercepter des personnes lors de manifestations qui tournent mal. Il est important de préciser qu'en cas de missions spéciales, tels les infiltrations et les repérages, l'obligation d'identification au moyen d'un matricule ne vaudrait pas. Ceci ne change donc rien à la loi ni à la pratique actuelle dans ces cas spécifiques.
Lorsqu'ils interviennent en uniforme, l'arrêté ministériel du 15 juin 2006, relatif à l'équipement de base et à l'équipement fonctionnel général des membres du cadre opérationnel de la police intégrée, structurée à deux niveaux, prévoit dans son article 2 le port sur l'uniforme d'une plaquette nominative. Elle se porte sur le rabat de la poche droite de la poitrine.
La CEDH se prononce
Récemment, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), a été amenée à se prononcer sur le cas d'une personne d'origine bulgare, victime dans son pays de coups et blessures portés par des agents de police cagoulés.
Dans son arrêt rendu le 11 octobre 2011, la Cour a condamné la Bulgarie pour violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et a estimé qu'il aurait fallu que ces agents portent un signe distinctif qui, tout en préservant leur anonymat, permette par la suite de les identifier, par exemple un numéro de matricule.
La Cour estime qu'il aurait fallu identifier et interroger les policiers impliqués, dès lors que la manière dont ils avaient procédé à l'arrestation avait été contestée. Il aurait fallu en outre qu'ils portent un signe distinctif qui, tout en préservant leur anonymat, permette par la suite de les identifier.
En l'espèce, tel n'était pas le cas, et ce manquement a eu pour conséquence qu'une certaine catégorie de policiers a pu bénéficier d'une totale impunité et qu'il n'a pas été possible de mener une enquête effective sur les faits.
Cet arrêt aura dès lors des conséquences sur l'identification des policiers belges en civil.
« La police n'est pas une institution démocratique »
Nous avons demandé à l'anthropologue spécialisé sur les questions de violences d'État, Martin Vander Elst, de nous exposer son analyse quant à la nature démocratique de l'institution policière. Ce dernier nous livre un examen particulièrement déroutant qui considère d'emblée le caractère anti-démocratique de cette institution.
Monsieur, Vander Elst, pourriez-vous nous exposer votre sentiment vis-à-vis de l'institution policière ?
« La police n’est pas vraiment une institution démocratique. Elle se situe à la frontière de l’Etat de droit avec un pied dans des pratiques extra-légales qui sont sanctionnées et légalisées par la justice. La ligne de démarcation entre État de droit et État policier est si fine, particulièrement dans des sociétés libérales en crise. »
Quels sont les mécanismes qui permettraient, selon vous, de démocratiser l'institution policière ?
« Au sein des conseils de police on sent bien que les bourgmestres n’assurent pas suffisamment leur fonction de contrôle démocratique sur la police. Lorsqu’un policier n’est pas identifiable, alors qu’il est armé et dispose d’un usage possible d’une violence aux conséquences meurtrières, c’est au politique de rappeler à l’ordre démocratique, de sanctionner. C’est une dialectique. La moins pire des polices est celle qui est la plus régulièrement interrompue et encadrée par le politique. Mais lorsque les bourgmestres commencent à avoir peur de leur police, alors on court tous un grand danger. »
Pour finir, quels sont les risques d'un manque de contrôle de cette institution ?
« L’entretien de l’impunité policière dans une société raciste représente un véritable risque pour tous les citoyens, particulièrement pour les populations non blanches (sans-papiers, noirs, arabes, rroms, etc.). C’est aussi pour ça que les luttes contre les violences policières sont si importantes, vitales pour notre démocratie. Ce sont elles qui activent cette fonction de maîtrise de la police lorsque les pouvoirs politiques et policiers sont corrompus. Elles constituent de puissants vecteurs de démocratisation. »