La Cour suprême de Pennsylvanie a annulé mercredi la condamnation de Bill Cosby. L'institution épingle un vice de procédure qui aurait mené à un traitement inéquitable envers l'ex-acteur et producteur, accusé d'agression sexuelle par une soixantaine de femmes.

“Les condamnations et les peines infligées à Bill Cosby sont annulées et il doit être libéré”, a conclu la haute juridiction de l’Etat à la fin d’un arrêt de 79 pages.

A l'âge de 83 ans, le créateur de la série “The Cosby Show” est incarcéré depuis sa condamnation, en septembre 2018, pour avoir drogué et agressé sexuellement Andrea Constand ; une comédienne qu’il avait invitée à son domicile en 2004. Pour rappel, incarnant le père idéal dans son show télévisé, Bill Cosby a été l’un des premiers Afro-américains à percer à la télévision. En fin de carrière, l'acteur-producteur a été accusé par une soixantaine de femmes d’agressions sexuelles et aussi de viols. Des faits quasiment tous couverts par la prescription.

Dans la foulée de l'annulation de sa condamnation, Cosby a été libéré et a rejoint son domicile. Devant sa maison, il a fait le "V" de la victoire, entouré par ses avocats.

Vice de procédure

La Cour suprême souligne que le premier procureur en charge du dossier, Bruce Castor, avait décidé de ne pas poursuivre Cosby au pénal, tout en l’incitant à témoigner dans une procédure au civil, intentée par la plaignante. Or, c'est ce témoignage qui a ensuite été retenu contre lui durant son procès pénal, après qu'un nouveau procureur ait décidé de réinstruire le dossier.

Quand un procureur prend une décision publique avec l’intention de peser sur les actions de l’accusé et que celui-ci le fait à son détriment (et parfois sur les conseils de son avocat), lui refuser le bénéfice de cette décision est un affront au principe fondamental d’équité”, estiment les juges de la Cour suprême de Pennsylvannie.

Pour rappel, en 2005, le procureur Castor avait conclu qu’il n’y avait pas assez d’éléments pour inculper Bill Cosby, accusé d’agression sexuelle par Andrea Constand. Néanmoins, dans de nébuleuses négociations pour contraindre Cosby à témoigner au civil, le magistrat a négocié un accord verbal protégeant le producteur du Cosby Show d’une future inculpation au pénal dans la même affaire, assurent ses avocats.

Des années plus tard, Cosby a été inculpé par un autre procureur en 2015 ; douze jours avant l’expiration du délai de prescription. Il a été condamné lors d’un procès en 2018 ; verdict confirmé en appel. Vu que les procureurs se sont appuyés sur le témoignage de Cosby au civil pour le condamner au pénal, la Cour suprême a estimé que les droits constitutionnels de l'ex-acteur avaient été violés. Le procureur à l'origine de l'inculpation de Cosby, Kevin Steele, a regretté une décision « de procédure qui ne change rien aux faits et au crime ». Les autres faits dénoncés étant prescrits, il se pourrait que les ennuis judiciaires de Bill Cosby cessent avec ce coup de théâtre judiciaire.

Fausse polémique

La condamnation de Bill Cosby fût considérée comme la première de l’ère #MeToo ainsi qu'une victoire dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes.

Aujourd'hui, selon plusieurs médias, l'annulation de cette condamnation constitue un camouflet pour le mouvement #MeToo. Or, la Cour suprême de Pennsylvanie ne s'est pas prononcée sur le fond ni sur le fait qu'une soixantaine de femmes accusent Cosby d'agression sexuelle et de viols. Bref, on peut davantage estimer que c'est plutôt l'efficace ténacité procédurière d'avocats - que seul le riche et toujours puissant Cosby peut se payer - qui a sauvé l'acteur-prédateur de la prison...

"Il n’est pas libéré parce qu’il est innocent", a déclaré Lisa Bloom sur Twitter. L'avocate conseille et représente trois femmes qui accusent Cosby de les avoir agressées sexuellement. Celles-ci se sont dit "dégoûtées" par l'étonnante nouvelle. Selon l’avocate Bloom, l’ex-acteur et producteur afro-américain est sorti de prison "parce qu’un procureur lui a promis, il y a des années, qu’il ne serait pas poursuivi".