Pendant que la Wallonie avait corps et maisons dans l'eau, le parlement fédéral a approuvé, ce jeudi, le projet de loi relatif aux mesures de police administrative en situation d'urgence épidémique.

Ce vote sur la loi pandémie découle d'un travail parlementaire de plusieurs mois. Le point de départ étant une consultation en mars dernier de la commission de l'Intérieur et d'experts pendant que le gouvernement planchait sur l'avant-projet. Le texte a ensuite été soumis au scanner critique de l'Autorité de Protection des Données (APD). Arrivé en plénière, plusieurs amendements ont été renvoyés au Conseil d'Etat. Institution de contrôle démocratique qui aura été consultée à quatre reprises sur ce sujet sensible.

Répression policière juridiquement bétonnée

En prenant un arrêté royal, le gouvernement pourra donc déclarer une situation d'urgence épidémique pour une durée de maximum 3 mois. Au-delà de cette période, Chaque arrêté devra être confirmé par la Chambre dans un délai de 15 jours. À défaut de confirmation, l'arrêté royal ne sera plus valide.

Dès la situation d'urgence déclarée, le gouvernement pourra adopter les mesures de police administrative nécessaires "en vue de prévenir ou de limiter les conséquences de la situation d'urgence épidémique pour la santé publique." Si des circonstances locales spécifiques le nécessitent, les gouverneurs et bourgmestres pourront prendre des mesures renforcées.

Sanctions, amendes et prison

Ces mesures de police administratives englobent notamment l'accès au territoire belge, la limitation d'accès ou la fermeture de plusieurs établissements et lieux de réunion, la limitation ou l'interdiction des rassemblements, la limitation ou l'interdiction des déplacements, la fixation de conditions d'organisation du travail et la détermination de mesures de protection sanitaire. Le gouvernement pourra aussi définir des modalités pour des réquisitions.

Les infractions constatées aux mesures édictées pourront être sanctionnées d'une amende d'un à 500 euros, d'une peine de travail d'intérêt général de 20 à 300 heures, d'une peine de probation autonome de six mois à deux ans, d'une peine de surveillance électronique d'un à trois mois ou d'une peine de prison ferme de trois mois maximum. Ces condamnations seront retirées du casier judiciaire trois ans après le prononcé de la décision judiciaire.

"Ce sera sans nous !"

Fondamentalement opposé à la loi pandémie, le PTB a fait de l'obstruction tout au long du processus législatif. Refusant un projet de loi qui, selon les radicaux de gauche, "menace plus la démocratie que le virus". "C’est simple : avec cette loi, vous ferez la même chose qu’avant", a dénoncé le député PTB Nabil Boukili. "Les ministres décident de tout pendant que la société civile, le Parlement et les citoyens sont priés de se taire et d’appliquer les mesures. Tout ça pour en plus imposer une stratégie sanitaire inefficace. Ce sera sans nous !"

Pour sa part, la ministre de l'Intérieur, Annelies Verlinden, affirme que la loi Pandémie repose sur "l'équilibre entre les droits et libertés constitutionnels et une gestion rapide et adéquate qu'exige une crise sanitaire". "La garantie de la sécurité et de la protection juridiques, la participation parlementaire, le contrôle démocratique et une transparence maximale lors de la gestion d'une situation de crise, constituent les fondements de la loi pandémie", a-t-elle conclu.

Rapports censés corriger les dérives autoritaires

Beaucoup se féliciteront qu'il ait été décidé d'abandonner le volet "données personnelles" dans la loi votée ce jeudi, majorité contre opposition. Dans ce cadre de vigilance démocratique, le gouvernement devra faire rapport mensuel à la Chambre tant que dure la "situation d'urgence épidémique".

Par ailleurs, trois mois après la fin de chaque situation d'urgence, le gouvernement devra également fournir à la Chambre un rapport d'évaluation portant sur le respect des droits fondamentaux. Un rapport d'analyse qui vise à contrôler si la loi pandémie ne nécessite pas d'être modifiée, abrogée ou remplacée. Une démarche de vérification qui devrait s'appliquer aussi lorsque la Belgique sera sortie de la pandémie de Covid-19. Ce qui, chacun l'a bien compris, n'est pas pour demain...