Juste avant une conférence de presse sur la situation sanitaire en Guadeloupe, le préfet Alexandre Rochatte a ordonné à la directrice de l'ARS d'utiliser « un ton grave, catastrophique ». L'injonction (dite à voix basse et oublieuse des micros) a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Une polémique qui ne désenfle pas et ruine les efforts pro-vaccination en mode Insta-Selfie-T-shirt du président Macron.
Acting raté ou lapsus révélateur ? La boulette préfectorale, commise ce 2 août en Guadeloupe, n'en finit pas d'alimenter indignations et colère citoyennes. Celle-ci éclabousse également le récent marketing pro-vaccination (à destination des moins de 25 ans) déployé par Emmanuel Macron himself, en selfie & T-shirt.
Tenu à quelques secondes d'une conférence de presse, réunissant le préfet et la directrice générale de l'ARS (Agence Régionale de la Santé) de Guadeloupe, c'est un élément de langage qui a déclenché une vive polémique. Nombre d'internautes accusant les Autorités françaises de "chercher à faire peur" et de "surjouer" la dramatisation en évoquant la situation sanitaire de l'archipel antillaise.
"On adopte un ton catastrophique, pas moralisateur, juste catastrophique"
Filmés par RCI Guadeloupe alors qu'ils s'apprêtaient à donner un "point presse inopiné", le préfet de région, Alexandre Rochatte, se penche vers la directrice de l'ARS, Valérie Denux, pour lui souffler : "On adopte un ton grave, catastrophique, pas moralisateur, mais juste catastrophique. C'est tout. Ok !"
Pensant ne pas avoir été entendu ou oubliant que micros et caméras étaient déjà allumés, le préfet annonce aux journalistes le reconfinement de l'archipel, pour au moins trois semaines, dès ce 4 août au soir. Puis, comme ordonné précédemment à voix basse, Rochatte souligne "une situation catastrophique" au niveau de l'épidémie de Covid-19 ; faisant notamment le parallèle avec l'île française voisine, La Martinique, déjà reconfinée depuis le 30 juillet (pour trois semaines aussi).
La directrice de l'ARS embraye sur le même ton avec le même qualificatif alarmiste : "Nous sommes dans une situation catastrophique, nous avons dépassé les 3 000 cas par semaine", estime Valérie Denux avant d'ajouter que le nombre de cas de Covid-19 sur l'île a été "multiplié par plus de 10 en 3 semaines". "Le taux d'incidence est à 828 pour 100 000 habitants. On n'a jamais atteint ce taux en Guadeloupe", a-t-elle encore insisté.
"Vous n'êtes que des acteurs"
Plusieurs responsables politiques de l'opposition (largement de droite et d'extrême-droite) ont rebondi sur l'injonction lexicale et exprimé leur verte indignation. Même l'ancien député de la Macronie (LREM), Joachim Son-Forget, a fustigé sur Twitter une "mise en scène". "Non seulement vous êtes la honte de la communication mais en plus vous démontrez que vous n'êtes que des acteurs. J'ai envie de vomir".
Viral sur les réseaux sociaux depuis lundi, l'extrait vidéo "qui n'était pas censé être diffusé" (dixit le préfet Rochatte) alimente la colère des citoyens qui s’opposent à la gestion macroniste de la crise sanitaire. Ceux-ci y voient la preuve d’une nouvelle manipulation de masse visant à faire accepter la vaccination obligatoire. De son côté, Alexandre Rochatte a déclaré « assumer complètement » ses propos tenus "hors antenne". Et le préfet de la Guadeloupe de rétorquer : "À ceux qui estiment que nous communiquons de faux chiffres, je leur demande d’aller au CHU, ou de se renseigner dans leur entourage. Car sur une île, lorsqu’il y a 3 000 cas par semaine, vous avez forcément parmi vos proches, des personnes positives ou qui ont été cas contact."
Dès ce mercredi, la Guadeloupe est donc soumise à un couvre-feu de 20h à 05h du matin ; assorti de restrictions de déplacement dans la journée dans un rayon de 10 km autour du domicile. Si les commerces restent ouverts comme les restaurants à midi, tous les bars seront fermés, ainsi que les stades, les gymnases et les piscines. Sur les plages, aucun rassemblement statique n'est autorisé ; restent permises promenade, baignade ou activité sportive individuelles.
Défiance française en croissance exponentielle
On le constate, surtout depuis l'allocution de Macron le 12 juillet dernier : les Français sont le peuple européen le plus méfiant envers la fiabilité du vaccin contre la Covid-19. Ainsi que l'analysent nos confrères du webmedia indépendant Frustrationmagazine.fr dans un excellent article titré "Comprendre la défiance envers le vaccin pour sortir de l’épidémie de Covid". "Nous nous méfions, en général plus que les autres, de notre gouvernement, et nous avons raison. Celui-ci, plutôt que de tenter de recueillir notre approbation, tente systématiquement de passer en force. Dans un projet de loi présenté peu avant Noël, le gouvernement envisageait la possibilité de restriction de circulation pour les personnes non-vaccinées. Depuis, il a fait machine arrière. Mais l’écriture de ce projet montre bien que nous sommes dirigés par des gens qui n’envisagent notre participation à la lutte contre l’épidémie que sous la contrainte."
Les rédacteurs anonymes de Frustration enchaînent sur ce qu'aucun citoyen ne pourra lire dans la presse mainstream hexagonale, possédée et cornaquée à 90% par 8 ou 9 affairistes milliardaires. "Il faut être aveugle pour ne pas voir que la défiance envers le vaccin se nourrit du discours pro-vaccin. Réduits à la condition d’« antivax » hystériques et illettrés, qui s’informent sur les réseaux sociaux plutôt que de lire Le Monde ou d’écouter Karine Lacombe sur TF1, la population défiante subit une nouvelle fois la violence que les sachants aiment infliger aux autres car cela grandit d’autant leurs prétentions. Le discours hostile aux vaccins comporte de nombreuses idées reçues, affirmations fausses et exagérations multiples. Mais que dire du discours pro-vaccin quand il balaye du revers de main le lien entre industrie pharmaceutique et volonté de s’enrichir, qu’il affirme la neutralité et l’objectivité des autorités sanitaires ?"
Pour aboutir à ce constat aussi pertinent que démocratique : "Il se produit au sujet du vaccin la même chose qu’avec le discours conspirationniste : en voulant le combattre, les autorités médiatiques, politiques et intellectuelles le renforcent. Car elles se montrent encore plus dogmatiques et violentes que d’habitude. En ne laissant aucune place aux doutes et à la discussion, elles semblent encore plus suspectes et indignes de confiance que d’ordinaire."
Revenir au débat libre et non faussé
En faveur de la couverture vaccinale de la France, nos confrères appellent, depuis des semaines, gouvernement et médias de la Macronie à changer radicalement de méthode. A produire de l'interventionnisme d'Etat à bon escient, au bénéfice (et réellement soucieux) du plus grand nombre.
"La fameuse « confiance » que demandent les dirigeants dans leur lutte contre l’épidémie, celle que demandent les pro-vaccins aux « anti-vaccins », ne se décrète pas.", affirme Frustration Magazine. "Politiquement, elle ne pourra s’obtenir que si le gouvernement montre qu’il tient les laboratoires pharmaceutiques bien en main, que les autorités sanitaires rendent publiques leurs études et leurs validations. Pour l’instant, la fameuse « transparence » tant promise, nous n’y sommes pas du tout : l’Union européenne tient secret les contrats passés pour l’achat de doses de vaccin à destination de ses pays membres. On ne sait donc pas combien le contribuable débourse-t-il et dans quelles conditions."
Constructifs, les journalistes proposent, notamment, "nationalisation" et "contrôle citoyen" : "Comment faire confiance à des organismes aussi puissants que les labos pharmaceutiques, qui ont montré par le passé leur capacité à manipuler les autorités et garde-fous pour obtenir ce qu’ils souhaitaient ? Bien que difficile dans le court-terme de l’épidémie de Covid, la nationalisation d’un grand laboratoire comme Sanofi et la reprise en main, sous contrôle des citoyens, de la production pharmaceutique, serait la meilleure mesure « de confiance » qu’un gouvernement pourrait prendre."
L'intelligence, le bon sens et la pertinence sociopolitiques existent encore en France. Hélas, ceux-ci sont dans la rue, s'expriment sur internet, et ne sont pas au pouvoir.