Le mouvement catholique intégriste, Civitas, se trouve au cœur d'une controverse qui pourrait conduire à sa dissolution, à la suite de propos antisémites tenus lors de l'université catholique d'été à Pontmain en Mayenne. Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, a exprimé son intention de dissoudre le groupe suite à la diffusion de ces propos offensants dans une courte vidéo sur les réseaux sociaux.

Lors de cet événement, l'essayiste Pierre Hillard a suscité une vive controverse en suggérant qu'il pourrait être nécessaire de revenir à la situation en France avant 1789, une période où la plupart des Juifs ne pouvaient pas obtenir la nationalité française. Il a également fait référence à la naturalisation des Juifs en 1791, qu'il a associée à l'ouverture de la porte à l'immigration.

Ces commentaires ont été qualifiés d' "ignominieux" par Gérald Darmanin, qui a déclaré que "l'antisémitisme n'a pas sa place dans notre pays". Le ministre de l'intérieur a saisi le procureur de la République et a également annoncé qu'il avait chargé ses services d'étudier la dissolution de Civitas. Ces propos incendiaires ont suscité un tollé dans la toile et ont mis en évidence les préoccupations grandissantes liées à l'extrémisme au sein de certaines franges de la société. La vidéo a été partagée sur X, anciennement connu sous le nom de Twitter, attirant l'attention du public et des médias.

Cependant, cet incident ne constitue pas le seul élément à charge contre Civitas. Depuis plusieurs mois, le ministère de l'intérieur aurait déjà porté un intérêt vigilant à ce mouvement, notamment après un épisode tumultueux survenu en Bretagne au mois de mai. Lors de cet incident, environ une trentaine de manifestants affiliés à Civitas avaient perturbé et empêché le concert de l'organiste américaine Kali Malone, prévu dans l'église Saint Cornély de Carnac, en Morbihan.

Concert perturbé à Carnac

Le concert, qui avait été approuvé par l'évêché ainsi que le comité paroissial et le curé de Carnac, avait été interrompu suite à l'obstruction orchestrée par les membres de Civitas. Le maire de Carnac, Olivier Lepick, qui avait tenté de négocier avec les manifestants, avait finalement été contraint d'annuler l'événement. La situation avait dégénéré avec l'agression d'une adjointe au maire, suscitant une enquête judiciaire pour violence volontaire et entrave à la liberté d'expression, menée par le parquet de Lorient.

Le mouvement Civitas justifiait son action en argumentant que les églises ne devraient pas être utilisées comme des "salles de concert à la merci des caprices et désirs d'artistes tendance et tendancieux". Dans une lettre ouverte à l'évêque de Vannes, le groupe avait exprimé son mécontentement face aux titres de morceaux acoustiques interprétés par Kali Malone, tels que "The sacrificial code" et "Sacer profanare", les qualifiant de subversifs. Civitas avait également remis en question la participation de l'artiste Stephen O'Malley.

À l'époque, la CGT spectacle avait vivement réagi en critiquant l'inaction des représentants locaux de l'État, accusant ces derniers de "laisser-faire". Les syndicalistes avaient même averti que si les membres de Civitas cherchaient à nouveau à perturber des événements artistiques, ils devraient faire face à la résistance des militants de la CGT.

Civitas affiche son soutien à Éric Zemmour

Civitas est connu pour ses liens étroits avec l'extrême droite catholique, le groupuscule avait déjà été reconnu en 2016 comme éligible au financement des partis politiques. Le mouvement avait également affiché son soutien à la candidature d'Eric Zemmour lors de l'élection présidentielle de 2022. En février, le président de Civitas, Alain Escada, avait mobilisé les sympathisants du groupe à Saint-Brévin, en Loire-Atlantique, pour protester contre le projet de centre d'accueil de demandeurs d'asile.

Le mouvement Civitas a saisi l'opportunité du contexte pandémique pour renforcer sa visibilité en tissant des liens avec des personnalités covido-sceptiques. Parmi elles, on retrouve Alexandra Henrion-Claude, mise en avant dans la revue trimestrielle de Civitas en 2021. Egalement dans cette mouvance, Sarkis Simonjan, membre du mouvement "Belgium United For Freedom", a propagé des théories conspirationnistes reliant les vaccins à l'infertilité et à une réduction de l'espérance de vie chez les personnes âgées. Il avait affiché également une liste de prétendus membres d'une secte sataniste. “Des magistrats, des procureurs, des politiciens...”, assure-t-il à l’époque. Depuis, la liste en question a été supprimée de leur page Facebook.

Diffusion de contenus contestables

De nombreuses affiches de Civitas ont été repérées lors de manifestations antivax organisées par le docteur David Bouillon à Bruxelles en octobre 2021. Ce dernier avait avancé que le Covid-19 avait été créé par l'homme, tandis que Paolo Criscenzo, militant politique d'extrême droite, avait été vu lors d'une autre manifestation antivax avec Alain Escada.

Des noms tels qu'Alexandre Penasse, fondateur du journal complotiste Kairos, Manuel Poutte, producteur du prétendu "média indépendant" BAM news et Joshua Malaise, propagandiste d'extrême droite pour "Vécu", relayaient les propos d'Alain Escada en direct sur leurs pages Facebook. Tous ont été associés à ces rassemblements aux cotés de Civitas.

Dans des tracts distribués en Belgique, pays d'origine d'Alain Escada, Civitas propageait l'idée que les vaccins n'étaient en réalité que des "injections géniques", une théorie contestée par les experts médicaux. Ces événements révèlent l'engagement de Civitas dans des actions controversées et des alliances douteuses. L'exploitation de la crise sanitaire pour promouvoir des idées complotistes et des théories du complot constitue une source d'inquiétude. La propagation de désinformations et de discours extrémistes soulève des questions sur la responsabilité du mouvement et ses intentions radicales dans le paysage politique et social.

Vers la dissolution de Civitas ?

L'affaire de Pontmain en Mayenne a enfin marqué un tournant décisif dans la surveillance du mouvement d'extrême droite Civitas par les autorités. Le Ministre de l'Intérieur a clairement signifié sa volonté de dissoudre le groupe à la lumière des propos antisémites tenus lors de l'université d'été et des antécédents de perturbations orchestrées par ses membres.

Cette décision suscite des débats passionnés au sein de la société française quant à la liberté d'expression, la tolérance religieuse et les limites de l'activisme politique au sein des institutions religieuses. Les semaines à venir seront cruciales pour déterminer le sort de Civitas et son impact sur le paysage sociopolitique français.

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