Le jeune homme décédé dans un cachot policier bruxellois, le 13 décembre, avait 26 ans et non 18, comme l'avait d'abord affirmé la presse mainstream. Selon l'ambassade d'Algérie, il s'agirait de Mohamed Amine Berkane, originaire de la province algérienne de Tipaza.

Après avoir lancé un appel sur les réseaux sociaux pour identifier le jeune homme décédé en prison le 13 décembre dernier, Nordine Saïdi, a recueilli plusieurs infos menant à l'ambassade d'Algérie. Le militant antiraciste et cofondateur de Bruxelles-Panthères a ensuite interpellé l'ambassade afin qu'elle puisse, le cas échéant, organiser des funérailles. De son côté, l'ambassade d'Algérie a confirmé, ce lundi, le nom et l'âge de la victime : Mohamed Amine Berkane, 26 ans.

C'est le 12 décembre que Mohamed Berkane a été arrêté, par les forces de l'ordre, aux alentours de la Bourse de Bruxelles. Suspecté d'avoir commis un vol et en séjour irrégulier, le jeune homme est directement placé en cellule. D'après la plateforme en ligne divercite.be, Berkane serait aussi un consommateur régulier de stupéfiants. Cependant, le parquet de Bruxelles n'a pas confirmé ces dernières allégations.

Trois décès suspects en 2021

En revanche, voici ce qui a été confirmé par le parquet : Berkane a été placé en détention, rue Royale, le soir du 12 décembre. Le lendemain, vers 14 heures, le jeune homme est retrouvé inanimé dans sa cellule. Les services d'urgence sont prévenus et arrivent sur les lieux. Sur place, les ambulanciers ont dû cessé leurs gestes de secours. Mohamed était décédé...

Le 15 décembre, le rapport préliminaire d'une autopsie, demandée par le parquet, a écarté l'hypothèse d'un "décès par l'intervention d'un tiers". Pour rappel, le parquet avait aussi saisi les images de vidéosurveillance de la nuit et du jour des faits. Mais, "dans l'intérêt de l'enquête en cours", l'institution judiciaire n'a pas fourni de plus amples précisions. Et cela, malgré qu'il s'agisse déjà du troisième mort inexpliqué, survenu en 2021, dans un commissariat bruxellois.

Peu importe de quoi était suspecté Mohamed Berkane, peu importe qu'il ait volé ou consommé de la drogue, Nordine Saïdi souligne que "ce n'est pas une raison pour mourir dans une cellule de police". Le fondateur de Bruxelles-Panthères rappelle également que c'est la seconde fois qu'un jeune Algérien meurt dans des circonstances similaires dans le même complexe de détention, rue Royale.

Pour une analyse toxicologique à 360°

"Pour ces jeunes-là, on a pu le savoir, mais pour combien d'autres, on n'a jamais rien su ?", s'interroge l'activiste décolonial. Avant d'ajouter : "A chaque fois, on procède à une analyse toxicologique qui décèle que la victime était sous influence, de drogues ou de médicaments. Très bien. Mais on devrait aussi procéder à une analyse toxicologique de tous les policiers présents et impliqués lors de la situation qui a mené à ce décès. On ne le fait jamais... Or, si nous sommes bien documentés sur le fait que des suspects peuvent être sous influences lors de leur arrestation, on sait aussi que des policiers en intervention peuvent carburer à l'alcool, à la cocaïne ou à divers cocktails de médicaments !"

"Sans émettre d'accusations", poursuit Nordine Saïdi, "il est bizarre que deux Algériens sans-papiers ainsi que Ibrahima Barrie, tous les trois âgés de moins de 30 ans, meurent de façon suspecte dans un cachot de la police".

Avec une ironie grinçante, le militant s'interroge à nouveau : "N'y a -t-il que des noirs et des arabes qui meurent, drogués dans les cellules de détention de la police ? Ou alors les policiers n'arrêtent-ils jamais de jeunes blancs imbibés d'alcool ou sous influence de drogues dures !? C'est quand même étrange que ce type de profil ne décède jamais dans un commissariat, au contraire de jeunes noirs et arabes..."

Déposer plainte ou se porter "partie civile"

Evacuant toute ironie, Nordine Saïdi en appelle aux institutions antiracistes subventionnées : "Il faudrait que la Ligue des Droits Humains, Unia, le MRAX et d'autres organisations, tels que les syndicats, se portent partie civile en cas de plainte et procès. Même chose pour les consulats des victimes décédées. Il est vraiment temps que ceux-ci tapent du poing sur la table en dénonçant le sort injuste que subissent, ici en Belgique, les étrangers et les descendants de l'immigration maghrébine et subsaharienne. Le consulat de Slovaquie, lui, n'a pas hésité à le faire pour Jozef Chovanec, décédé en 2018 entre les mains de la police, à l'aéroport de Charleroi !"

Par ailleurs, le militant antiraciste estime "grave" que cette nouvelle mort suspecte soit "aussi peu médiatisée". "Aucun média francophone n'en parle !", s'exclame Nordine Saïdi. "Et les rares qui l'ont fait, la semaine passée, n'assurent aucun suivi sérieux. C'est quand même la troisième mort bruxelloise en détention policière en 2021 !"... Au moment où nous avons interviewé Nordine Saïdi, lundi vers 18h30, comme lui, nous ignorions la diff' imminente de l'article intitulé "Décès en commissariat à Bruxelles : l'Algérie se pose des questions", signé par notre excellent confrère Arthur Sente. Une webproduction diffusée le 20 décembre, à 18h41, et réservée aux seuls abonnés du Soir. Ceci expliquant cela...

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Avoir accès aux dossiers

Selon le média néerlandophone Bruzz, deux associations (DoucheFlux ; Ligue des Droits Humains) ont annoncé qu'elles pourraient aller en justice afin de connaître les circonstances exactes de la mort de Mohamed Amine Berkane. Comme elles l'ont fait suite à l'étrange décès d'Ilyes Abbedou, survenu fin janvier.

"Si elles le font, tant mieux ! C'est essentiel", renchérit Nordine Saïdi. "Lorsqu'on est parties civiles dans un dépôt de plainte, on a accès au dossier, au rapport d'autopsie et aux interrogatoires de police. Ainsi, on peut examiner, comparer, vérifier et nous montrons également que ça nous touche, nous, citoyens Belges, que ces jeunes Algériens soient morts dans un cachot de la police."

Source de la photo principale : Bruzz